Musique: un univers sonore unique de Laurent Guardo et Daniel Lavoie
Laurent Guardo, auteur-compositeur montarvillois, et Daniel Lavoie se sont envolés pour l’Angleterre en janvier 2023. Plus précisément, les deux amis de longue date se sont rejoints au Studio 2 Abbey Road, là où des légendes de la musique ont enregistré des albums bien longtemps avant leur passage.
En deux jours, six violonistes, cinq violonistes altos et six violoncellistes ont interprété les 25 pièces musicales sous la direction de Laurent Guardo afin d’enregistrer la trame sonore qui a été composée par ce dernier sur un recueil de poésie de Daniel Lavoie.
« Ça m’a pris dix ans à convaincre Daniel d’embarquer dans ce projet », mentionne-t-il alors que les évènements se sont enchaînés pendant plus d’une décennie pour arriver au résultat disponible, depuis quelques mois, seulement chez les disquaires.
En 2010, Daniel Lavoie publie un recueil de poésie intitulé Finutilité. Les textes sont décrits pas M. Guardo comme des histoires mélangeant le rêve et le délire, avec un virage inattendu survenant dans chaque poème. « Quelques semaines avant, je suis sorti au théâtre voir un artiste lire des textes sur scène », raconte le compositeur, qui est reparti de cette soirée avec le désir de voir une telle lecture sur fond d’instruments à cordes. Lorsqu’il a assisté au lancement du projet de son ami, avec lequel il a travaillé sur deux autres albums, l’idée a resurgi.
Une question de hasard
M. Guardo a donc travaillé sur quelques pistes démos, qu’il a présentées à Daniel Lavoie avant d’aller plus loin dans le projet. Avec un violoncelle, un piano et la voix de Daniel, les premiers jets de ce concept ont été enregistrés dans le studio du Montarvillois. Si, dans la tête du chanteur, le projet pouvait s’arrêter là, Laurent Guardo voyait plus grand pour ce troisième album.
« Il y a eu plein de hasards dans ce projet, des heureux et des moins heureux », rappelle-t-il. Un ami compositeur à lui, Normand Corbeil, est décédé d’un cancer en 2013. « C’était l’un des rares, comme moi, qui trippait à enregistrer avec de vrais musiciens, dont plusieurs fois à Abbey Road Studio à Londres. » Lors d’un ultime échange, quelques semaines avant le décès de son ami, ce dernier a confié les coordonnées de ses musiciens et du studio à Laurent Guardo en lui faisant promettre d’en faire quelque chose. « J’étais convaincu qu’en allant là-bas, les pièces que j’ai écrites pour les textes de Daniel auraient le son qu’elles méritent d’avoir », mentionne-t-il, non pas parce que les studios d’ici sont inadéquats, mais parce que l’aura vit toujours entre les murs du studio emblématique où des groupes tels que les Beatles ou Pink Floyd ont enregistré de grands classiques de la musique anglaise.
Dix ans
Après dix ans à convaincre Daniel Lavoie d’adhérer au projet, car une telle production ne vient pas sans un engagement financier considérable, un autre casse-tête débutait pour l’auteur-compositeur, celui de trouver une date.
« Il y a extrêmement de demandes pour ce studio. Je devais organiser pour que Daniel, les 17 musiciens et moi soyons disponibles les deux mêmes journées », précise celui qui compte plusieurs dizaines d’années d’expérience dans le domaine. Une fois l’endroit réservé, Laurent Guardo a pu enfin commencer à rêver à ce qui deviendrait l’un des moments les plus marquants de sa vie.
Dès la première journée, en arrivant au 3, Abbey Road, Laurent a discuté avec l’ingénieur attitré pour proposer quelques idées afin de reproduire le son qu’il avait imaginé pour chacune de ses pièces. Des micros des années 30 et une immense plaque en or pour créer de l’écho font que certains sons qui se retrouvent dans l’album sont uniques, issus d’une étroite collaboration entre l’ingénieur du son et Laurent. « Des fois, il y en a qui sont peu réceptifs à nos suggestions ou à nos demandes, mais cette fois-là, ce n’était pas du tout le cas », explique le musicien, très heureux de cette collaboration qui a créé différents univers sonores à travers les pièces.
« J’étais comme un enfant dans un magasin de bonbons », témoigne Laurent Guardo, qui agissait comme un chef d’orchestre pendant ces deux journées d’enregistrement. Devant lui, les 17 musiciens, dont seuls quatre chefs de section avaient reçu les partitions à l’avance, devaient jouer les notes et toutes les subtilités désirées, et ce, dans un rythme d’enregistrement rapide. « Je prenais le temps, à chaque nouvelle pièce, de leur expliquer brièvement l’atmosphère recherchée et l’histoire qui se cache derrière les paroles et les partitions », explique-t-il.
Album physique uniquement
Une fois la session terminée, les deux artistes ont pris la décision de sortir leur album sur CD uniquement. « Nous avons tous les deux été impliqués dans des organismes de droits d’auteur », précise-t-il, alors que les deux amis avaient la volonté de faire quelque chose à l’envers du courant qui permettait de rester fidèle à la qualité sonore qui a exigé tant d’efforts et de moyens. Conscient des retombées financières de la vente physique de l’album Finutilité pour 17 cordes et Lavoie, Laurent Guardo est toutefois déçu de l’intérêt médiatique envers leur projet ainsi que de la réception des radios.
« Ce n’est pas le projet le plus commer- cial, mais c’est ce qui sort de moi. C’est mon style et je reste authentique plutôt que de créer quelque chose pour plaire à la majorité », précise-t-il.
En tout, 25 pièces sont enregistrées avec la voix de Daniel Lavoie, puis ces mêmes morceaux sont aussi offerts en version instrumentale sur l’album.
Depuis la sortie de l’œuvre, les deux acolytes travaillent encore ensemble sur de nouveaux projets, dont un spectacle, prévu en février 2027, portant sur leur deuxième album, La rivière de cassis. M. Guardo élabore aussi un spectacle pour l’album Finutilité pour 17 cordes et Lavoie, qui sera présenté dans le cadre du Festival Classica, en mai 2028. Finalement, le duo, qui collabore depuis de nombreuses années, compose et écrit une légende musicale. Un projet où les rôles sont inversés. Il s’agit des textes de Laurent Guardo et de la musique de Daniel Lavoie.
