Le confinement vu de l’intérieur
Manoir Saint-Bruno
À 87 ans, la Montarvilloise Lynne Gannon est confinée dans son logement, au Manoir Saint-Bruno. Seule.
Depuis le 23 mars, le confinement est obligatoire entre autres pour les personnes résidant en résidences privées pour aînés (RPA), et ce, peu importe l’âge des personnes concernées. « Il faut tout faire pour que le virus ne rentre pas dans les résidences. Nous demandons à toutes les personnes âgées dans les résidences de ne plus sortir. C’est difficile comme mesure, mais nécessaire », disait le premier ministre, François Legault, en point de presse.
« Le médecin… le Portugais, il fait du bien aux gens. » – Lynne Gannon
Jointe par le journal Les Versants, Lynne Gannon commente cette nouvelle mesure alors qu’elle demeure confinée chez elle, à l’intérieur du Manoir Saint-Bruno. « C’est un isolement complet; personne ne peut sortir et personne ne peut nous rendre visite. La salle à manger est fermée; on nous amène nos cabarets à la porte », raconte-t-elle.
Mme Gannon quitte son logement uniquement pour récupérer son courrier, au rez-de-chaussée, ou encore pour aller chercher ses livraisons du Marché Lambert et de la pharmacie, laissées entre les portes du hall d’entrée. « Lors de ces sorties, la direction nous demande de pas être plus que trois dans l’ascenseur, mais il n’y a jamais personne dedans. Le Manoir, c’est comme un hôtel de 300 personnes. Mais ces jours-ci, on ne se voit même pas! C’est quelque chose! »
Personnel d’exception
À propos de l’administration, Lynne Gannon souligne le « personnel exceptionnel » de l’endroit. « Ce n’est pas facile pour quiconque. La directrice du Manoir, Angela Parent, et la directrice des loisirs, Denise Parsons, font un travail extraordinaire. »
Si c’était possible de rentrer au Manoir, nous constaterions que les meubles ont été retirés. Les chaises, les tables ont été enlevées. C’est aussi le cas à l’étage des appartements. Le mobilier a été mis à l’écart à l’aide de ruban jaune, « comme celui de la police », pour en restreindre l’accès. « Mais on n’a pas le choix!, clame Lynne Gannon. Les problèmes se retrouvent beaucoup dans les maisons de personnes âgées. Si nous ne suivons pas les directives, la même chose pourrait nous arriver. »
Or, elle reconnaît que la consigne est difficile, d’autant plus que des résidents du Manoir Saint-Bruno attendaient le retour de leurs enfants et de leurs petits-enfants, de retour au pays après des vacances. « Ces voyageurs devront se placer en quarantaine… », rappelle celle qui s’est installée au Manoir il y a cinq ans maintenant. « Jamais je n’ai vécu un isolement aussi complet. »
En 1968, Lynne Gannon était considérée comme une pionnière dans le domaine de l’immobilier; l’une des premières femmes sur la Rive-Sud (Montréal) à s’y consacrer. Elle se souvient de l’incendie des BPC, à Saint-Basile-le-Grand, le 23 août 1988. « Les gens avaient peur de rentrer à Saint-Bruno et à Saint-Basile en raison des sols contaminés. Même la Chambre immobilière de Montréal n’envoyait pas ses photographes pour rentrer dans les maisons. Ils avaient peur; ce fut une période très difficile, qui avait chaviré le domaine immobilier de la région. Par contre, ce n’est rien par rapport à ce que nous sommes en train de vivre en ce moment. »
Un message d’espoir
Recluse dans son logement, elle ne trouve cependant pas le temps long, mais affirme que le contact humain, avec les autres, lui manque. L’octogénaire passe ce moment comme elle peut. Avec sa tablette électronique, elle communique avec ses proches, qui ne peuvent pas lui rendre visite. « J’ai de la famille à Joliette et à Vancouver. On s’écrit, on s’appelle. J’ai une petite-fille qui vit à Londres. Elle est confinée avec son copain musicien, qui a perdu tous ses contrats. » Par chance, Lynne Gannon a un piano qu’elle a recommencé à utiliser. « Je suis pianiste alors j’ai repris mes grands classiques, deux heures par jour. Ça m’aide beaucoup! », témoigne-t-elle. Sur son balcon, une balançoire lui permet de s’assoir et d’observer le quartier abandonné. « Je suis sur le côté ouest, ce qui me permet d’assister aux couchers de soleil. J’ai une vue sur le McDo, et une partie du centre-ville, mais il n’y a presque personne. J’ai l’impression d’être dans un film à l’atmosphère étrange; en anglais, on dit “eerie” [traduction : sinistre]. Récemment, j’ai vu un père et ses enfants dessiner un arc-en-ciel dans le stationnement en bas, avec ce message : “Ça va bien aller!”. J’ai trouvé cela touchant. »
Selon elle, la situation sera longue. Sa nièce et sa petite-fille, deux enseignantes, estiment que l’école ne redémarrera pas de sitôt. « Je pense que le monde est mis devant une grande épreuve. Nous allons voir à quel point les gens sont résilients. » Elle est d’avis que c’est en s’aidant les uns les autres qu’il sera possible de surmonter cette épreuve. « Je suis triste pour les gens qui n’ont pas les moyens de survivre à cette crise. Même si nos gouvernements nous aideront financièrement, personne n’était préparé à ça!, dira-t-elle au téléphone. Je me demande comment le monde a pu basculer si rapidement de façon aussi radicale. »
Parlant de gouvernement, Lynne Gannon confie que le premier ministre Legault et sa garde rapprochée prennent de bonnes décisions et gèrent bien la crise. « Le médecin… le Portugais, il fait du bien aux gens. Il est sévère, mais c’est ce qu’il faut pour passer le message. »
QUESTION AUX LECTEURS :
Qu’est-ce qui vous manque pendant votre confinement?