Sylvain Malette se retire

Spécimen rare à l’École secondaire du Mont-Bruno

« J’ai fait mon entrée ici le 8 juillet 1978, lors de la construction de l’école. Depuis, j’ai connu toutes sortes d’histoires personnelles. Un déménagement. Je suis tombé en amour. Un bébé. Mais, après 35 ans, j’ai toujours eu le même « châssis », soit celui de technicien audiovisuel à l’École secondaire du Mont-Bruno. »

Sylvain Malette est un spécimen rare : il est le dernier technicien audiovisuel de la Commission scolaire des Patriotes. La semaine dernière, il écoulait ses derniers jours à l’intérieur des murs de l’École secondaire du Mont-Bruno lorsqu’il s’est assis avec le journal Les Versants, question de faire un retour sur le passé. « En 1975 ou 1976, pendant la construction de ce projet au flanc de la montagne, l’administration a pris le pouls des parents : « Que voulaient-ils dans leur nouvelle école, une piscine ou une salle de spectacles? » Les gens ont choisi la piscine, et l’agora est vite devenue un lieu de rencontre pour les étudiants », raconte Sylvain Malette.

Mais au cours des années suivantes, à force de pressions, le technicien audiovisuel a réussi à faire comprendre à l’administration de l’école qu’il fallait changer l’agora en une salle de spectacles : le ciment autour a été peint en noir, des rideaux ont été installés devant les fenêtres afin de couper la luminosité et dernièrement, un budget de près de 50 000 $ a été déboursé pour des appareils dernier cri, ajoutés notamment afin d’améliorer le son et l’éclairage. Aujourd’hui, l’agora est une salle de spectacles de 4 500 watts pouvant accueillir concerts, pièces de théâtre, conférences et ateliers. Non seulement le son et l’éclairage ont été rehaussés, mais le technicien pouvait aussi bénéficier d’une réalisation et d’une production supérieures.

Un départ obligé

En raison des nouvelles compressions de 65,1 millions de dollars imposées aux commissions scolaires par le ministère de l’Éducation, le poste de Sylvain Malette n’a pas été renouvelé pour l’année prochaine. Le doyen de l’École secondaire du Mont-Bruno s’est donc vu dans l’obligation de partir et de prendre du temps pour ses autres passions : la photographie et la musique. « Depuis deux ans et demi, j’étais devenu le seul à l’emploi depuis la construction de l’école. Aujourd’hui, je me demande qui va s’occuper de tout ça. Je ne sais pas. La technicienne en loisirs, Annick Massé, fait du bon travail, mais réalisent-ils qu’ils auront sûrement encore besoin de moi? Mais en même temps, en raison des coupes, je comprends la situation; l’administration a eu de graves décisions à prendre et je quitte en bons termes », d’expliquer le musicien percussionniste. 

De son côté, la directrice de l’École secondaire du Mont-Bruno, Marie Vandemoortele, parle de choix difficiles. « En raison de ces coupes, l’administration a décidé de privilégier les services à l’élève. Nous avons dû faire des choix déchirants. Les responsabilités de monsieur Malette seront prises en charge par d’autres, mais c’est certain qu’en nous quittant, il laisse ici une âme importante. »

Quelques jours après sa rencontre avec Sylvain Malette, le journal a appris que la direction de l’école avait décidé de rendre hommage à son technicien audiovisuel en donnant à l’agora le nom de Place Sylvain-Malette. La nouvelle a été annoncée lors d’une cérémonie spéciale en son honneur. Une plaque commémorative sera d’ailleurs installée dans l’agora. « J’ai vraiment reçu ça sur la gueule! C’est tout un punch! C’est pas mal de recevoir cet honneur de son vivant! Ça signifie qu’on reconnaît le travail que j’ai apporté au cours des années. C’est un beau geste. »

Quelque 35 années de carrière

En 35 ans de carrière, Sylvain Malette a préparé nombre de spectacles de danse, de présentations spéciales, de concerts, de conférences, de pièces de théâtre. Il a collaboré longtemps avec son ami, Luc Beaudoin, qui s’occupait surtout de l’éclairage pendant que monsieur Malette gérait le son. Une complicité qui a duré près de 30 ans. Parmi ses souvenirs, il cite le passage sur les bancs d’école de la comédienne Pascale Bussières, « l’une des meilleures étudiantes que j’ai rencontrées », ou encore la prestation du groupe GrimSkunk ou Groovy Aardvark, à l’heure du midi au milieu des années 90. « Je ne me souviens plus exactement lequel entre les deux, mais un de ces groupes a performé ici. » Il parle aussi de spectacles de danse mémorables dans les années 80, lorsqu’il travaillait avec Irène Paquin ainsi que des événements de théâtre de grande ampleur en compagnie de Denise Gauthier. « C’était la belle époque, de 1984 à 1993, en raison de la qualité de la participation des étudiants. Depuis environ cinq ans, les jeunes sont pressés, travaillent de plus en plus et vaquent à d’autres occupations. Ça vient briser les possibilités de collaboration, nécessaires pour monter des spectacles et des pièces de théâtre. »

En tant que technicien audiovisuel, Sylvain Malette était également responsable de faire l’entretien de tous les appareils et de l’achat de ceux-ci, d’évaluer les besoins en la matière, d’assister les enseignants, de collaborer en arts et communications ainsi qu’à la radio étudiante, d’une part sur le plan du son, de l’autre pour assurer une bonne technique. Aujourd’hui encore, il transfère des documents VHS en format DVD, parce que les « professeurs changent de technologie ». Parmi tous les appareils de l’école, Sylvain Malette a entre autres manipulé, au cours des années, nombre de magnétophones à cassettes, tables tournantes, projecteurs de diapositives, acétates pour rétroprojecteurs, épiscopes et films de 8 mm et 16 mm. « Le punch dans mon histoire, c’est qu’en 35 ans, j’ai assisté au passage des différentes technologies. À l’époque, rien ne se faisait à l’ordinateur; les spectacles étaient préparés avec la bonne vieille roulette de ruban magnétique. Les photos étaient développées dans une chambre noire. Le passage au numérique, il y a un peu plus de 10 ans, est quelque chose d’incroyable; c’est venu tout changer », mentionne l’homme de 58 ans.  

Bien qu’il se considère lui-même comme le « personnage farfelu et la grande gueule » de l’école, Sylvain Malette est aimé des enseignants et des étudiants. Le journal a pu le constater pendant le long entretien qu’il a eu avec celui qui est père d’une jeune fille. Ce qui va lui manquer le plus après son départ, c’est l’action de son travail, mais aussi l’assistance qu’il apportait aux étudiants. « À force de collaborer si longtemps, les membres du personnel de l’école en viennent à devenir des amis entre eux. L’esprit d’équipe qui règne dans une place comme ici, ça va me manquer aussi. »