La forge d’art a un nom :les Cantin

(avec la collaboration de la Société d’histoire de Saint-Basile-le-Grand)

La plupart des résidants de Saint-Basile-le-Grand connaissent le Coq, « Le Victorieux », girouette installée sur le clocher de l’église paroissiale. Il est l’œuvre des frères André et Pierre Cantin, issus d’une famille de forgerons. Ils bénéficient d’un droit acquis pour opérer une forge ancestrale, dans un quartier résidentiel de Saint-Basile, sur un terrain qui faisait partie de la propriété de leur grand-père, chemin du Richelieu.

En l’an 2000, d’importantes rénovations sont entreprises à l’église Saint-Basile-le-Grand. Le gouvernement du Québec accorde une subvention importante et les citoyens apportent également leur contribution. Sollicités, les frères Cantin répondent qu’ils souhaitent participer à l’effort collectif, mais ne donneront « pas un sou noir », révèle Pierre Cantin. Ils fourniraient un coq, mais sans l’installation. L’offre est acceptée. Depuis le 1er mai 2000, « Le Victorieux » triomphe sur le clocher de l’église, indiquant la direction du vent. Un dicton populaire affirme : « Vent d’est, mauvais temps; vent d’ouest, beau temps. » Et un autre : « On a un orage, le coq l’avait dit! »

Au sein de la famille Cantin, on s’adonne au métier de forgeron depuis longtemps. Dans les années 1885, Désiré Cantin, arrière-grand-père des deux frères, possède une boutique de forge dans Montréal, à Saint-Henri, rue Rose-de-Lima. Il est forgeron-voiturier. Une spécialité qui associe le métal et le bois.

Plus tard, ce sera au tour du grand-père Antoine. Après un séjour en Saskatchewan, il s’installe à Saint-Basile, en 1935. La famille emménage dans la plus ancienne maison de la municipalité, sise au 381, chemin du Richelieu. Elle date du Régime français : 1740. Sur la terre se trouve aussi une forge. Antoine est donc cultivateur et forgeron. Il sera aussi le dernier forgeron de la CIL, à McMasterville. À tour de rôle, André et Pierre commentent : « L’arrivée de l’automobile sur le marché a tué beaucoup de boutiques de forgerons. À l’époque, la forge était le garage d’aujourd’hui. C’est là que les voitures se faisaient réparer. »

Leur père, Gilbert, fait exception à la règle; il est menuisier. Il aidera son père à réparer la maison ancestrale. André sort un madrier « deux par quatre ». « On le conserve en souvenir de notre père. Pour se faire des planches, il allait dans le bois abattre des arbres. » Le grand-père n’ayant pas d’argent pour payer son fils, il lui offre du terrain. Gilbert y construit sa maison familiale, au 401 du même chemin. Elle est maintenant habitée par André et sa conjointe, Ginette Allard. En retrait de la résidence se trouve la boutique « Les forges Cantin ». Quant à Pierre, il habite la maison voisine, avec Évelyne Coutu, sa conjointe.

La pratique du métier de forgeron

André et Pierre sont des autodidactes. Mais le grand-père leur a transmis certains trucs du métier. C’est vers les années 1976 qu’ils commencent à pratiquer le métier, comme passe-temps. Plus tard, ce sera leur gagne-pain. Expositions, démonstrations, animations (souvent au Fort Chambly), salons des métiers d’art, salons de l’habitation. Suivant l’effet habituel du balancier, il deviendra difficile d’en vivre. Les deux frères se partagent donc un emploi dans un centre d’accueil et pratiquent la forge d’art, qui les passionne, à mi-temps. Ils anticipent le moment de leur retraite pour s’y consacrer à temps plein.

C’est avec les outils de leur arrière-grand-père et de leur grand-père qu’ils travaillent comme forgerons. La pratique de ce métier ancien est une richesse patrimoniale et ils l’exercent selon les règles de l’art, donnant ainsi ses lettres de noblesse au terme « artisans », qui les distingue. Ils ont déjà fabriqué de la quincaillerie ancienne, des pièces de mobilier, rampes d’escalier, articles pour foyer, en plus des girouettes et coqs. Cependant, ils se concentrent maintenant sur ces derniers. Avec passion, André explique les exigences de la fabrication d’une girouette : « Les mécanismes doivent être machinés au millième de précision pour obtenir en même temps le plus de robustesse et de sensibilité possible. La sensibilité est essentielle pour que la girouette soit efficace et puisse pivoter au moindre changement du vent, même très léger, car cela veut dire changement de température. Elle doit être de niveau à cent pour cent, ce que l’on obtient avec le tripode fourni au client. » Il raconte l’origine de la girouette. « Son invention est attribuée à Andronicus de Cyrrhus, un astronome grec, un siècle avant Jésus-Christ. »

Le métier, les deux frères l’adorent. « Cependant, ce n’est pas un métier de notre époque, il est difficile d’en vivre. » La facilité d’accès à des produits de contrefaçon rend la concurrence féroce. Mais, la girouette a connu de beaux jours. Elle a été très populaire, principalement en Nouvelle-Angleterre, au X1Xe Siècle. Les deux frères racontent que sa popularité est revenue à la fin des années 1960, avec le retour du goût pour les antiquités. De tous les modèles de girouettes, le coq est le plus populaire et il est international. En plus d’être un porte-bonheur, il évoque des symboles, que Pierre énumère : « La résurrection, le Christ, la lumière par son chant matinal, le courage, la bravoure. »

« Les forges Cantin » fabriquent aussi des pièces intérieures de collection, pour offrir comme cadeau ou pour des événements spéciaux. André donnera comme exemple : « L’Association touristique de la Montérégie achète depuis une quinzaine d’années des coqs miniatures pour donner comme trophées aux entreprises qu’ils veulent honorer. » Pour n’importe quelle pièce que les Cantin forgent, ils aiment que sa conception parfaite fasse dire aux connaisseurs : « Ça, c’est sûrement du Cantin. » Là, ils sont heureux!