Chronique Société d’histoire de Saint-Basile : un curé intellectuel

Au tournant du 20e siècle, la petite municipalité de Saint-Basile-le-Grand compte à peine 690 habitants. Malgré la taille modeste de sa paroisse, le curé Joseph Saint-Denis ne correspond pas à l’image stéréotypée du curé de campagne. Il aime écrire et publier.

Un texte de Richard Pelletier,
président de la Société d’histoire de Saint-Basile-le-Grand

Le parcours de l’abbé Saint-Denis

Né à Montréal en 1857, Joseph Saint-Denis est ordonné prêtre en 1884. Après deux années d’enseignement au collège de Montréal, il devient vicaire dans diverses paroisses. En septembre 1899, Mgr Bruchési le nomme curé de la paroisse Saint-Basile-le-Grand, où il succède à Anthime Corbeil.

Le curé Saint-Denis bénéficie d’installations récemment rénovées. L’église, construite en 1876, a été restaurée et décorée en 1894 et 1895. Les travaux étant complétés, le prêtre peut se concentrer sur ses fonctions pastorales. Il reste en poste jusqu’en 1905, date à laquelle il prend sa retraite à Chambly, à l’âge de 48 ans. Saint-Basile-le-Grand demeure le seul endroit où il a exercé une charge curiale.

Un auteur prolifique

Joseph Saint-Denis s’intéresse particulièrement aux règles régissant la pratique de la foi et se donne pour mission de partager ses réflexions et analyses. Ses deux premiers ouvrages portent sur « Le Jubilé de 1904 » et connaissent une large distribution au sein de l’Église québécoise. Un jubilé, dans ce contexte, est « une faveur extraordinaire, une indulgence plénière accompagnée de grâces et de privilèges particuliers ». Joseph Saint-Denis produit ainsi des guides pour aider tout fidèle à bien comprendre la marche à suivre afin de « faire son jubilé ».

À la retraite dès 1905, l’ancien curé peut se consacrer à l’écriture. Ses ouvrages, traitant de sujets pointus, font référence. Par exemple, il propose un déroulement détaillé de la consécration d’une église (1907) ou encore de la bénédiction d’une cloche (1908). Loin d’être une simple énumération d’invocations, chaque guide présente une recherche historique sur le sujet. On apprend, par exemple, l’origine de l’usage des cloches, l’identification et la fonction de leurs différentes parties, leur composition.

Les guides de l’abbé Saint-Denis revêtent un intérêt historique qui dépasse la dimension religieuse. Par exemple, dans son Étude des indults accordés au Canada (1917), l’auteur présente une recherche détaillée permettant de suivre l’évolution des fêtes religieuses depuis l’époque de la Nouvelle-France. Un indult est une faveur accordée par l’Église permettant de déroger à une règle officielle. Dans ce cas-ci, il s’agit de déplacer des fêtes officielles vers des dates plus adaptées au contexte canadien. L’année suivante, en 1918, le Parlement canadien adopte une loi sur le changement de l’heure deux fois par an. Notre curé retraité publie, quelques mois plus tard, une réflexion quant aux impacts de cette mesure sur les actes ponctuant la pratique religieuse, comme le jeûne, la lecture du bréviaire, les offices religieux ou les heures prescrites pour les indulgences.

Joseph Saint-Denis est membre de la Société historique de Montréal. Il contribue occasionnellement à la revue de la Société Saint-Jean-Baptiste. En plus des thèmes religieux qui lui sont chers, il s’intéresse à des sujets plus « civils ». De 1922 à 1924, il publie une série d’articles portant sur l’orthographe des noms propres désignant les lieux. Il y précise notamment les règles d’écriture, des règles qui sont encore appliquées aujourd’hui.

Joseph Saint-Denis s’éteint en 1927, à l’âge de 69 ans. Par ses écrits, il laisse un héritage intéressant. Un nom de rue honore sa mémoire à Saint-Basile-le-Grand.