Chronique de la Société d’histoire de Saint-Basile : projet d’annexion par McMasterville
En 1998, après 120 ans d’activités, l’usine de produits chimiques de McMasterville se prépare à fermer ses portes. Dans le but de créer une zone industrielle unifiée, plus propice à une relance, la Municipalité de McMasterville dépose un projet d’annexion d’une partie du territoire de Saint- Basile-le-Grand.
Une brève histoire de la poudrière
En 1878, la Hamilton Powder Company (HPC) établit une usine de production d’explosifs à Belœil, à proximité des voies de transport ferroviaire et fluviale. En 1911, la HPC est rachetée par la Canadian Explosives Limited (CXL), présidée par William McMaster. La Première Guerre mondiale entraîne une augmentation considérable de la production, et c’est dans ce contexte que McMasterville voit le jour en 1917. L’usine emploie alors 1200 personnes. L’entreprise procède progressivement à l’achat de terres agricoles pour prévoir l’expansion de ses activités.
Après la guerre, l’entreprise diversifie ses activités vers la production de produits chimiques. En 1927, elle change de nom pour devenir la Canadian Industries Limited (CIL). En 1990, l’usine passe sous le contrôle de l’Imperial Chemical Industries (ICI). Le site industriel comprend alors plus de 200 bâtiments.
Les activités industrielles sont principalement concentrées sur le territoire de McMasterville, où sont situés également les bureaux administratifs, le laboratoire et le quai principal, en béton. À Saint-Basile-le-Grand, on trouve surtout des bâtiments d’entreposage d’explosifs, ainsi qu’un quai de bois d’où sont notamment expédiés ces produits. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, on y fabrique des grenades. Comme mentionné plus haut, plusieurs terres agricoles appartiennent également à l’entreprise.
En 1998, ICI cède ses activités et ses équipements de McMasterville à une société australienne, mais elle conserve les terrains. Comme on pouvait s’y attendre, les nouveaux propriétaires annoncent la fin des activités quelques mois plus tard, supprimant ainsi 130 emplois. Quant à ICI, elle doit décontaminer son vaste terrain, qui a accueilli pendant plus d’un siècle une production chimique réalisée selon des normes d’une autre époque.
Regroupement de terrains
L’entreprise souhaite vendre ses terrains industriels et demande à la Municipalité de McMasterville de les regrouper en annexant la portion située à Saint-Basile-le-Grand. Ces terrains couvrent une superficie totale de 4,5 km2, dont les deux tiers se trouvent en territoire grandbasilois. L’annexion proposée doublerait la superficie de McMasterville.
Les autorités de McMasterville accueillent favorablement cette demande. Le maire Gilles Plante souhaite parvenir à une entente avec sa voisine. À la fin de décembre 1998, un règlement municipal est adopté, décrétant l’annexion du territoire convoité.
Le territoire visé par la demande d’annexion est vaste, s’étendant des limites de McMasterville jusqu’au lot 12 du cadastre de Saint-Joseph-de-Chambly inclusivement, soit jusqu’à la ligne de transport électrique qui passe à proximité du 31, chemin du Richelieu. Il est bordé par la rivière Richelieu au sud et par le boulevard Sir-Wilfrid-Laurier au nord, incluant également quelques terrains bordant le rang des Trente au nord de ce boulevard.
Réactions
Le maire de Saint-Basile, Bernard Gagnon, et les membres de son conseil s’opposent fermement au projet d’annexion. Ils estiment notamment que l’annexion priverait la Ville d’environ 200 000 $ de taxes annuelles, en plus de lui faire perdre un site stratégique pour son développement. Le conseil juge enfin la demande injustifiée, y voyant surtout la volonté de sa voisine d’accroître son potentiel fiscal.
En mars 1999, la Chambre de commerce de la Vallée-du-Richelieu appuie « fortement » l’annexion proposée, sa présidente, Jacqueline Gagnier, déclarant : « McMasterville nous semble la municipalité la plus apte à assurer l’avenir [du site industriel]. » Elle qualifie la démarche de « sage » et estime que Saint-Basile-le-Grand pourra bénéficier de développements résidentiels sur son territoire grâce aux emplois créés.
En revanche, la Chambre de commerce de Saint-Basile a une tout autre opinion. Elle considère que le territoire visé représente la seule zone industrielle de la municipalité et que l’annexion compromettrait gravement l’avenir du développement économique de Saint-Basile.
Le litige est soumis au ministère des Affaires municipales. McMasterville espère qu’une démarche de conciliation permettra d’aboutir à un partage des actifs. Jean-Pierre Charbonneau, député de Borduas et président de l’Assemblée nationale, annonce son appui au projet d’annexion proposé par McMasterville. De son côté, Louise Beaudoin, députée de Chambly et ministre des Relations internationales, affirme que « le territoire de Saint-Basile est indivisible ».
Une réponse qui tarde
Un an après le dépôt de la demande au ministère des Affaires municipales, un porte-parole du ministère, interrogé par des journalistes, explique qu’il s’agit « d’un dossier de grande envergure », nécessitant un examen par plusieurs services avant une recommandation à la ministre. Les mois passent sans qu’aucune décision ne soit annoncée par le ministère. Cette décision est finalement prise discrètement, sans communication médiatique, et les frontières du territoire de Saint-Basile-le-Grand demeurent inchangées.