Urgences débordées: la crise s’aggrave
Si le manque de places et les taux d’occupation dépassant les 100% étaient chose habituelle dans les urgences du Québec avant la pandémie, la fin de celle-ci occasionne également un retour à cette normale dangereuse.
Les infirmières sont à bout de souffle. Certaines de leurs collègues, justement parce qu’elles étaient à bout de souffle, sont présentement en vacances, histoire de reprendre de l’énergie pour revenir s’épuiser à l’ouvrage.
Les collègues restantes doivent donc effectuer des quarts qui peuvent durer jusqu’à 16 heures continues, sans avoir de préavis pour la prolongation des heures. Plusieurs, dans ce contexte difficile, choisissent de quitter la profession ou encore de travailler dans des agences privées, qui offrent de meilleures conditions de travail.
Cette situation aurait pu être écrite telle quelle il y a quelques années. Mais à cette époque, il n’y avait pas de pandémie de COVID-19 pour empirer les choses, qui sont déjà très graves. Au point où certaines urgences ont dû fermer par manque de personnel.
Embauches difficiles
Pour le Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est (CISSSME), les choses semblent se dérouler de manière plus difficile, notamment en termes de recrutement de personnel. « Nos besoins sont présents dans toutes les sphères de notre organisation. Les besoins peuvent être expliqués par la période estivale, l’exigence d’une année de pandémie, les défis importants de disponibilité de main d’œuvre. »
Quant à la possibilité de voir une urgence fermer, la porte-parole du CISSSME, Catherine Domingue, indique que « la fermeture temporaire de l’une de nos urgences ne fait pas partie des moyens envisagés par notre organisation. » Elle ajoute que « la population ne doit pas s’inquiéter puisque tous les services demeurent accessibles et disponibles. Tous les efforts sont fournis en ce sens. »
Sur le terrain
Alors qu’elle était sur le terrain à l’hôpital de Sorel durant la fin de semaine du 10 au 11 juillet, la déléguée syndicale de la Fédération interprofessionnelle du Québec (FIQ) pour le CISSSME, Brigitte Petrie, décrit que le taux d’occupation de l’urgence était à 217%.
Puisque l’établissement sorelois est plus petit et n’a pas autant de personnel que les autres hôpitaux du CISSSME, elle a fait la demande pour que l’urgence soit fermée, mais les choses ont fini par se calmer le dimanche. « Les mêmes filles qui ont fait du temps supplémentaire obligatoire (TSO) le vendredi en ont refait le samedi et si ça continuait elles en auraient refait le dimanche. » Les travailleuses étaient donc à bout de souffle et n’auraient pas forcément réussi à tenir le coup dans l’éventualité d’un dimanche aussi occupé que les jours précédents.
« La quatrième vague, c’est le personnel des hôpitaux qui tombe au combat. »
-Brigitte Petrie21 jui
Travailler pour le privé
Alors que ce contexte difficile complexifie la tâche des recruteurs dans le réseau public, plusieurs employés choisissent de se tourner vers les agences privées pour obtenir des emplois aux conditions plus stables et meilleures.
C’est la situation que décrit Brigitte Petrie. « L’infirmière qui va travailler en agence, si elle revient par la porte d’en arrière travailler dans le réseau, elle va être payée deux fois son salaire, avec de meilleures conditions, des meilleures semaines de vacances et elle a tout ce qu’elle veut. »
Payées par le public
La représentante rappelle cependant qu’au final, c’est le réseau public qui doit débourser davantage pour se permettre de payer lesdites agences. Et comme le personnel est une denrée rare, les contrats sont bien plus coûteux que ce qu’il faudrait pour obtenir les infirmières du réseau public.
Ainsi, tandis que les infirmières travaillant pour les CISSS doivent faire du TSO, leurs collègues qui proviennent d’agences de placement sont en mesure d’éviter cette mesure et de continuer à travailler durant des quarts de travail qu’elles choisissent, avec de meilleures conditions de travail.
Vis-à-vis cette situation de système à deux niveaux, Mme Petrie croit qu’ « on ne peut pas en vouloir à l’humain d’essayer de se sauver. Le gouvernement doit agir aussitôt que possible pour régler le problème créé par les agences de placement. » Elle ajoute également qu’à l’automne, « la quatrième vague, c’est le personnel des hôpitaux qui tombe au combat. »
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