Une pénurie d’enseignants
Réseau de l’éducation
Le manque d’enseignants gagne les écoles de notre territoire. Un aperçu de ce problème, exacerbé par la COVID.
Les écoles de Saint-Bruno, de Saint-Basile et de Sainte-Julie n’y font pas exception; au moment d’écrire ces lignes, une dizaine de postes au primaire et au secondaire sont occupés par des gens au mandat temporaire en raison de professeurs absents.
Un problème reconnu
La pénurie d’enseignants existe. Ne pas la reconnaître serait s’enfouir la tête dans le sable. « La personne qui dit que ce n’est pas vrai ne lit pas les journaux!, lance le directeur de l’école De Montarville, Robert d’Aquila. Notre rôle, en tant que direction d’école, c’est d’essayer de renouveler notre banque de suppléants. On essaie de retarder le moment où la pénurie frappera plus durement notre école. »
Une autre directrice d’école, qui préfère demeurer anonyme, reconnaît que le problème de pénurie existe partout. « C’est un fléau qui se répercute dans la plupart des milieux. On rivalise d’ingéniosité pour essayer de compenser tous les postes qui sont à combler. »
« Nous faisons appel à des retraités. » – Robert d’Aquila
La directrice générale adjointe du Centre de services scolaire des Patriotes (CSSP), Linda Fortin, renchérit. Quand on lui demande si le CSSP confirme un manque de professeurs dans le réseau, elle répond ‘’absolument’’. « On le sentait déjà depuis quelques années. On le ressent davantage aujourd’hui. Dans un contexte historique de crise sanitaire, la pénurie est encore plus grande chez le personnel. »
Il y a un an, avant l’arrivée de la pandémie au Québec, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, affirmait que la pénurie de main-d’œuvre dans nos écoles serait son « plus grand défi en 2020 ». Il ne prévoyait alors pas de solution à court terme avant de « passer à travers » cette épreuve. Interrogé par à ce sujet Jean-François Roberge a répondu que c’était « une évidence! Je l’ai reconnue [la pénurie] déjà en disant que ça allait prendre quelques années. [Or], la pandémie mondiale a changé la donne : garder les écoles ouvertes, soutenir des équipes-écoles et travailler sur la réussite en temps de pandémie sont certainement des priorités gouvernementales, mais on n’a jamais ralenti sur les mesures pour passer à travers la pénurie de personnel. »
L’automne dernier, au moment de la rentrée scolaire, Jean-François Roberge soutenait que la pénurie frappait moins fort en septembre 2020 qu’à pareille date en 2019. Pourtant, les profs crient à l’aide plus que jamais. « La pénurie nous touche beaucoup actuellement dans les écoles. Tous les jours, je vois de nouveaux messages de collègues du CSSP qui disent qu’ils sont à la recherche d’un ou de deux enseignants dans leur école. Les listes sont complètement vides », déplore une enseignante qui ne souhaite pas être nommée.
Elle s’interroge. Les parents sont-ils au fait de cette situation? « Des enseignants tombent comme des mouches ou sont épuisés, mais savent que personne ne pourra venir enseigner à leurs élèves. On demande de mettre la personne en arrêt (retirée pour grossesse dans certains cas) sur un écran afin d’enseigner pendant qu’un surveillant surveille les élèves. Honnêtement, c’est terrible pour les enfants! », ajoute-t-elle.
Séquence de comblement
Le CSSP tente par divers moyens de combler les postes vacants grâce à une séquence de comblement en 10 étapes. Soit faire appel à des étudiants en stage, ou encore à une personne non légalement qualifiée, ou à un professeur exempté pour des raisons de santé ou de grossesse, mais qui sera réquisitionné pour de l’enseignement à distance.
Par exemple, en anglais, une personne pourrait accompagner les élèves dans la classe. Elle maîtriserait la langue, mais pas la matière. « Dans certaines classes, c’est l’orthopédagogue qui est là en attendant de trouver quelqu’un d’autre, confirme Linda Fortin. On ouvre les barrières, on ouvre les frontières pour trouver des solutions. » L’option de l’orthopédagogue vient au 7e rang de la séquence de comblement du CSSP.
Le journal a appris que depuis le 11 février, une orthopédagogue remplace à raison d’une journée par semaine dans une classe de 5e année à De Montarville. « La nouvelle d’une recherche d’enseignante à notre école a circulé sur les réseaux sociaux afin de remédier à cette situation, nous confie un membre du personnel enseignant, qui a aussi préféré conserver l’anonymat. L’orthopédagogue sera enseignante, à la place d’aider les élèves en difficulté, et ne sera pas remplacée. »
Le directeur de l’école De Montarville, Robert d’Aquila, corrobore cette histoire d’orthopédagogue remplaçante une fois par semaine en 5e année du primaire. « On préfère enlever une période d’orthopédagogie à 7 ou 8 jeunes afin d’assurer de l’enseignement à une vingtaine d’élèves », insiste Robert d’Aquila.
Mais cette orthopédagogue remplaçante n’est pas le seul cas à l’école De Montarville. « Effectivement, il y a des postes à notre école qui ne sont pas occupés à l’origine par un professeur. Cependant, avec un processus de comblement, j’arrive à avoir tout mon personnel. Comme dans le domaine de la santé, on fait du déplacement d’enseignants », dit Robert d’Aquila.
Par processus de comblement, il faut comprendre que l’école se tourne vers d’autres solutions pour mettre un pansement sur le bobo. M. d’Aquila précise : « Nous faisons appel à des retraités de l’année dernière pour combler des besoins. Ce sont des mesures palliatives temporaires qui nous permettent d’éviter du retard et des dégâts. »
Comédienne en art dramatique
Un exemple d’ouvrir les frontières? Le CSSP parle de faire appel à du personnel hors normes pour pallier l’absence d’enseignants, c’est-à-dire du personnel non qualifié pour la profession. « Une comédienne assez connue pour un cours d’art dramatique. Nous sommes à vérifier ses antécédents judiciaires. C’est un dossier tout chaud de cette semaine sur lequel le CSSP travaille », confie Linda Fortin.
Lorsqu’un spécialiste en musique, en art dramatique, en anglais ou encore en éducation physique s’absente et que personne ne peut le remplacer, « ce qui arrive fréquemment », selon l’une de nos sources, les titulaires gardent leurs élèves en classe. « Ainsi, les enfants perdent un cours et l’enseignant perd ce temps de planification qui est précieux! »
Dans les médias, il n’est plus rare de lire que des enseignants, à bout de souffle, songent à quitter la profession, si ce n’est déjà fait. « Il est vrai que certains enseignants quittent la profession. Ça arrivait aussi avant la pandémie; ce n’est pas nouveau. C’est plus dur d’enseigner en temps de pandémie, reconnaît Jean-François Roberge. Mais je ne pense pas que l’on puisse parler d’un exode. »
Pourtant… « Il arrive aussi que, n’arrivant pas à combler un remplacement de longue durée, le CSSP mette deux, voire trois enseignants qui alternent les journées à tour de rôle. Pour eux, c’est difficile d’assurer un suivi adéquat et pour les enfants, le lien d’attachement est difficile et l’adaptation, continuelle », se désole l’une de nos intervenantes anonymes.
QUESTION AUX LECTEURS :
Quelles solutions proposez-vous à la pénurie d’enseignants?