Un procès très attendu

Au palais de justice de Longueuil, l’affaire opposant l’entreprise de construction Sommet Prestige Canada à la Ville de Saint-Bruno-de-Montarville et du ministère de l’Environnement a débuté la semaine dernière. 

La Cour supérieure du Québec devra trancher le litige impliquant d’une part le propriétaire foncier à la Municipalité et d’autre part au Gouvernement. Suivant cette décision aura lieu une nouvelle poursuite de Sommet Prestige Canada à l’encontre du ministère de l’Environnement, mais cette fois devant le tribunal administratif du Québec afin de tenter d’invalider la décision du Ministère de ne pas autoriser le projet de construction dans le boisé des Hirondelles.

Le procès qui a lieu actuellement, et qui devrait prendre plusieurs jours, est regardé de très près par de nombreuses municipalités dont le mandat est de protéger leurs boisés tout en indemnisant à juste titre leurs propriétaires. « C’est une situation que l’on voit de plus en plus souvent. Les municipalités ont une obligation de protection et nous avons vu, lors des dernières élections municipales, une volonté de la part des nouveaux élus de le faire. Malheureusement, certaines décisions de justice ne vont pas dans le même sens », d’indiquer au journal Me Marc Bishai, avocat du Centre québécois du droit de l’environnement.

En effet, dans une décision rendue en 2022, la Cour suprême du Canada, le plus haut tribunal du pays, a rejeté la demande d’autorisation d’appel de la Ville de Mascouche dans un litige l’opposant à une propriétaire, Ginette Dupras. La Cour a estimé que la Ville, en voulant protéger un boisé, a procédé à une expropriation déguisée en changeant le zonage du boisé de Mme Dupras pour qu’elle ne puisse pas y construire d’habitations. « Cette décision est lourde de conséquences pour la protection des milieux naturels et appelle à une correction rapide du cadre juridique », estime le Centre québécois du droit de l’environnement dans un communiqué-.

Cette décision sera évoquée dans l’affaire du boisé des Hirondelles, mais il y a ici un aspect environnemental supplémentaire avec la présence d’une espèce végétale en péril.

» Les boisés situés sur notre territoire sont une richesse collective que nous devons protéger afin de conserver notre environnement, notre qualité de vie, ainsi que le cachet de notre ville. » – Ludovic Grisé Farand

Historique

Depuis les années 2000, le sénateur Paul J. Massicotte souhaite construire des maisons de luxe dans son boisé qui possède des plantes en voie d’extinction. Le ginseng à cinq folioles est protégé au Canada par la Loi sur les espèces en péril (LEP). Il est interdit de posséder, de collectionner, d’acheter, de vendre ou d’échanger un individu – notamment partie d’un individu ou produit qui en provient. Cette loi interdit de nuire aux individus de cette espèce, d’en posséder, d’en faire le commerce et de perturber leur habitat.

Une première administration municipale avait autorisé le projet du promoteur, mais en 2013, une nouvelle administration a fait de la protection du boisé un cheval de bataille. Pour protéger l’endroit, la Ville a voté un règlement interdisant la coupe d’arbres dans les boisés de son territoire. D’autre part, le ministère de l’Environnement n’a jamais autorisé le projet de Sommet Prestige.

La Ville a tenté de s’entendre financièrement avec le promoteur afin d’éviter une procédure judiciaire longue et coûteuse. Sommet Prestige a décliné toutes les offres. « Les discussions entre les deux parties ayant achoppé, le processus judiciaire suivra son cours », indique la Ville sur son site.

» Les boisés situés sur notre territoire sont une richesse collective que nous devons protéger afin de conserver notre environnement, notre qualité de vie, ainsi que le cachet de notre ville « , a déclaré M. Ludovic Grisé-Farand, maire de Saint-Bruno. 

Rappelons que le boisé des Hirondelles, tout comme les boisés Sabourin et des Tilleuls, sont identifiés au Plan d’urbanisme comme des écosystèmes d’intérêt faisant partie d’un ensemble boisé structurant. La Ville est d’ailleurs en finalisation du processus d’acquisition pour protéger le boisé Sabourin.

Le Plan de conservation des milieux humides et autres milieux naturels identifie le boisé des Hirondelles comme zone tampon d’un milieu humide dont la valeur écologique est qualifiée d’élevée. On y trouve en effet l’extrémité de la tourbière des Atocas, classée zone de préservation extrême dans le parc national du Mont-Saint-Bruno. La protection de ce boisé participe au maintien de la biodiversité de l’écosystème du parc national et consolide le corridor forestier du mont Saint-Bruno tout en protégeant les biens et services écologiques rendus par ces milieux.