Un Montarvillois derrière la bière Glutenberg

La renommée de la Glutenberg, cette bière produite sans gluten, n’est plus à faire dans le domaine brassicole. Ce qui est peut-être moins connu par contre, c’est qu’il s’agit notamment d’un Montarvillois, Julien Niquet, qui est derrière cette belle histoire. Entrevue.
BSG, ou Brasseurs sans gluten, a vu le jour grâce à une collaboration entre Julien Niquet et David Cayer, deux amis de longue date. Julien Niquet, un entrepreneur dans l’âme, voulait diriger sa propre entreprise. Mais n’eût été de son intolérance au gluten, BSG n’aurait peut-être jamais vu le jour. « Aujourd’hui, je lève mon chapeau à ma maladie. Je suis heureux de l’avoir! », mentionne Julien Niquet, en entrevue avec le journal .
Intolérant au gluten, Julien Niquet souffre d’une maladie rare, la dermatite herpétiforme, qui cause une affection cutanée chronique caractérisée par des lésions, de fortes démangeaisons, des sensations de brûlure. Soit une sorte d’eczéma. L’intolérance au gluten en est notamment la cause. Le jeune homme était âgé de 19 ans lorsqu’il a appris la nouvelle. « Mon plus gros deuil a été celui de ne pas pouvoir boire de la bière. À 18 ou 19 ans, ce que je voulais, c’était de socialiser avec mes amis, mais pour ma part, je devais me contenter de vin et de spiritueux », explique le cofondateur et chef de la direction de la microbrasserie Glutenberg, Julien Niquet.
La bière sans gluten existait déjà à l’époque et le Montarvillois en a bu pendant une dizaine d’années. « Je n’ai jamais trouvé une bière sans gluten à mon goût. Je détestais ce qu’il y avait sur le marché », commente celui qui voit alors l’opportunité de créer une bonne bière sans gluten afin de trouver une solution à son problème. « J’aime la bière, mais par contre, je ne connaissais rien en brassage », admet-il.

L’équipe prend forme

Julien Niquet s’associe alors avec David Cayer, un ami qu’il a connu à l’époque du baccalauréat en administration à l’Université du Québec à Montréal. Les deux entrepreneurs ont d’ailleurs eu une entreprise ensemble, une société de distribution de produits écologiques, qu’ils ont vendue avant de se lancer dans le monde brassicole. L’idée de brasser une bière sans gluten a été discutée pour la première fois à l’hiver 2010. Grâce au soutien de membres de leurs familles et d’amis, ils ont pu rassembler les fonds nécessaires à l’achat de l’équipement requis et recruter un brasseur passionné, Gabriel Charbonneau, qui a répondu à leur demande sur Facebook.

« Mon plus gros deuil a été celui de ne pas pouvoir boire de la bière. À 18 ou 19 ans, ce que je voulais, c’était de socialiser avec mes amis, mais pour ma part, je devais me contenter de vin et de spiritueux. » -Julien Niquet

Une première bière

« Notre brasseur travaillait dans son sous-sol à essayer de trouver la bonne recette. Tout était à faire. Il fallait dénicher les bons taux d’alcool. Je me souviens que les premiers tests étaient exécrables. Un mois avant le début de l’entreprise, nous n’avions toujours pas la recette », raconte Julien Niquet. Le trio se met à la tâche et à force de tests, d’essais, d’erreurs, de recherche et développement, une première bière voit enfin le jour : une blonde dorée, sèche, bien houblonnée aux arômes d’écorces de citron, mais surtout, une bière sans gluten qui goûtait la vraie bière. « Du jamais-vu dans ce marché », selon le principal intéressé. La Glutenberg Blonde était née et les activités de la microbrasserie pouvaient enfin s’amorcer. Nous étions en juillet 2011. « Au départ, nous pensions rouler là-dessus pendant deux ans, mais nous craignions de nous faire oublier. » La Glutenberg Rousse et la Pale ale américaine arrivent aussi sur les tablettes, en décembre 2011, ce qui permet à l’entreprise de tripler ses ventes.
La microbrasserie utilise six types de grains sans gluten : millet, sarrasin, maïs, amarante, riz sauvage et quinoa.

World Beer Cup

Moins d’un an après son ouverture, BSG participe au World Beer Cup, qui se déroule à San Diego en mai 2012. « Ce sont les Jeux olympiques de la bière, souligne le père de famille. Et cette participation est sans contredit la meilleure décision de toute l’histoire de l’entreprise. » Après avoir inscrit ses trois produits à l’événement, la brasserie remporta l’or, l’argent et le bronze dans la catégorie « Bière sans gluten » face à 17 compétiteurs. Une première dans les annales de cette compétition, qui est d’ailleurs la plus importante au monde de l’industrie brassicole. « Est-ce que j’ai été surpris? Non. Je connaissais ce qui se faisait dans le monde, et je savais que nos produits étaient supérieurs aux autres en compétition », continue Julien Niquet, le frère d’Olivier Niquet de La Soirée est (encore) jeune.
Cette victoire met BSG sur « la map », et ce, autant du côté des distributeurs que des importateurs. Les deux fondateurs décident donc de saisir toutes les opportunités qui sont offertes è eux : l’Italie, les États-Unis, le reste du Canada. Aujourd’hui, on retrouve la Glutenberg notamment dans l’Europe à petite échelle et dans 25 états américains. « Il y a une niche de marché pour la bière sans gluten au Québec qui nous permet de survivre, mais si nous voulons faire de l’argent, il faut exporter », admet Julien Niquet, qui rappelle qu’avant d’être des artisans de la bière, David Cayer et lui sont des entrepreneurs, des gens d’affaires.
Le Montarvillois de 35 ans est d’ailleurs titulaire d’un baccalauréat en administration, spécialisation finance. Il a aussi entamé un programme en évaluation d’entreprise, qu’il n’a jamais terminé. Pour sa part, David a un baccalauréat en administration et une maîtrise en gestion.

Croissance

Au cours des années qui ont suivi, BSG a produit de nouvelles sortes de bières (de nouveaux produits saisonniers – la Belge de saison et la Double IPA seront bientôt de retour sur les tablettes – alors qu’un stout devrait aussi voir le jour comme offre régulière en 2017), tout en remportant davantage de prix et de distinctions (notamment au Canadian Brewing Awards) dans les catégories « Bière sans gluten » et « Bières expérimentales ». De 20 points de vente au départ, aujourd’hui, les bières Glutenberg sont vendues dans 1 600 endroits au Québec. De 20 000 litres de bière par année, la microbrasserie produit maintenant 1 700 000 litres annuellement. Et, signe que BSG est en santé, un groupe d’entreprises est attaché à ce fleuron québécois, soit Transbroue, une compagnie de distribution de bières de microbrasseries, ainsi que Brasserie & distillerie Oshlag. « C’est la réputation de Glutenberg qui nous a permis d’attacher ces deux autres compagnies, de créer une synergie et une valeur, d’en faire une entreprise rentable. » Enfin, les univers de la microbrasserie québécoise et de Chartier Créateur d’harmonies se rencontrent pour offrir en partenariat la Série Gastronomie : un projet de bières gastronomiques novateur.
Julien Niquet a vécu à Saint-Bruno-de-Montarville pendant une dizaine d’années pendant son adolescence. Il songe parfois à y retourner avec sa petite famille, parce qu’il s’agit d’une municipalité paisible et à proximité de la nature.
« Je vis bien avec ma maladie. La nourriture sans gluten s’est grandement améliorée : les pâtes alimentaires, le pain et pour la bière, je l’ai, ma bière! C’est ma maladie qui m’a permis de bien gagner ma vie; alors, j’ai le meilleur des deux mondes », de conclure Julien Niquet.