Taxes frontalières : des concessionnaires prudents
La Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ) appelle le gouvernement du Québec à adopter des mesures d’atténuation urgentes afin de soulager le secteur automobile, qui serait durement touché par une guerre commerciale opposant le Canada aux États-Unis.
« Pour le moment, c’est le statu quo. Nous ne sommes donc pas en mode panique. Chez Nissan, nous avons beaucoup de produits fabriqués au Mexique ou au Japon. On est donc moins à la merci d’une possible taxe. En tous les cas, si la taxe vient à s’appliquer, cela risque de coûter cher à Elon Musk pour fabriquer ses voitures, car l’aluminium que fabrique le Canada augmentera aussi », d’indiquer Benoît Larocque, directeur des ventes chez St-Bruno Nissan avant que le président américain ne fasse l’annonce hier d’une taxe de 25 % sur l’aluminium importé aux États-Unis.
Rappelons que, selon le gouvernement canadien, le Canada est le quatrième producteur d’aluminium au monde après la Chine, l’Inde et la Russie. À l’échelle mondiale, l’aluminium est majoritairement utilisé dans l’industrie de l’automobile et du transport.
Les États-Unis étaient la principale destination d’exportation des produits d’aluminium canadiens en 2022, représentant 92 % des exportations totales. Cependant, la pierre permettant de faire de l’aluminium est importée au Canada à 41 % des États-Unis. Le concessionnaire Kia Ste-Julie n’a pas voulu faire de commentaire sur une situation encore hypothétique. « On ne veut pas commenter tant que ce n’est pas fait. »
Une industrie qui s’inquiète
Contacté par le journal, Tesla n’a pas répondu à nos messages sur le sujet. Rappelons que Tesla, qui a une concession à Saint-Bruno-de-Montarville, est la propriété du milliardaire Elon Musk, un des proches du président américain Donald Trump depuis son assermentation. Celui-ci est favorable à la taxe de 25 % aux frontières.
La Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ), dans une communication intitulée « Protéger nos PME et stopper l’enrichissement d’Elon Musk en pleine guerre commerciale », demande déjà l’aide du gouvernement. « Face à des mesures tarifaires qui pourraient impacter directement le secteur automobile canadien, et face aux incertitudes persistantes liées à l’électrification des transports, nos concessionnaires se trouvent confrontés à des défis sans précédent. L’année 2025 s’annonçait déjà comme une période difficile pour notre industrie, et l’instabilité actuelle risque de compromettre davantage la vitalité économique de nos régions. »
Devant ces enjeux, la CCAQ demande, pour « préserver les emplois et maintenir la compétitivité de notre industrie », de surseoir à l’application des pénalités en vigueur depuis le 1er janvier 2025 dans le cadre des normes environnementales et encore de revoir le système d’échange de crédits VZE.
Crédits VZE pour Tesla
Le gouvernement du Québec a instauré des crédits VZE aux constructeurs de voitures vendant leurs produits au Québec. Afin d’atteindre l’objectif de voir circuler deux millions de véhicules électriques sur les routes du Québec d’ici 2030, plus les constructeurs vendront ou loueront des voitures électriques au Québec, plus ils recevront des crédits. Un nombre limite de crédits est fixé pour éviter au constructeur de payer des redevances à Québec. Un constructeur qui n’a pas assez de crédits à la fin de l’année pour s’éviter la taxe peut acheter des crédits à un autre constructeur pour combler le manque. Selon le gouvernement, le but de la norme VZE est donc de stimuler le marché automobile pour qu’il développe davantage de modèles et qu’il utilise des technologies sobres en carbone de plus en plus efficaces. « Le mécanisme actuel permet aux manufacturiers d’acheter des crédits VZE auprès d’autres manufacturiers. La situation est particulièrement préoccupante dans le cas de Tesla, propriété de M. Elon Musk, indéfectible allié du président Donald Trump, architecte de la guerre commerciale, qui se positionne comme le principal vendeur de crédits VZE, et de loin. Ce système permet le transfert d’importants capitaux canadiens directement aux mains d’un acteur qui non seulement ne contribue pas au développement de notre économie, mais qui cherche activement à la mettre à mal. Une révision de ce cadre d’échange s’impose plus que jamais », s’indigne la CCAQ.
Cette indignation auprès de la population commence à se faire remarquer au Québec avec des propriétaires de Tesla qui, voulant se dissocier du propriétaire de la marque, mettent sur leurs voitures des autocollants indiquant entre autres « J’ai acheté cette voiture avant qu’Elon devienne fou ».
Les tarifs douaniers de 25 % entre les États-Unis et le Canada, qui devaient entrer en vigueur le 4 février, seraient appliqués dans 30 jours si le Canada ne se conforme pas aux volontés du président américain.