Semaine de prévention du suicide : ne pas cesser d’en parler
« Parler du suicide sauve des vies », voilà le thème d’une vaste campagne de sensibilisation dans le cadre de la 28e Semaine nationale de prévention du suicide qui aura lieu du 4 au 10 février.
« L’objectif premier est de sensibiliser les citoyens, les décideurs quant aux problèmes et moyens pour réduire le suicide », souligne Annie Mongrain, chef d’administration des programmes services psychosociaux, dépendance et crise au CISSS de la Montérégie-Est.
Toujours est-il que derrière les statistiques, il y a des humains vivant un deuil pouvant être parfois surmontable, parfois infranchissable. Des chiffres compilés par l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS) existent et parlent d’eux-mêmes, hélas! Au Québec, en 1996, 1463 personnes ont mis fin à leur vie. La mort du journaliste Gaétan Girouard le 14 janvier 1999 et sa médiatisation à outrance auraient fait augmenter le nombre à 1620. Effarant comme chiffre quand on considère que ce sont 22,2 personnes sur 100 000 habitants. Les derniers chiffres indiquent qu’en 2014, il y a eu 1125 suicides (1463 en 1996, 1191 en 2006, 1068 en 2009, 1112 en 2012).
Comment alors en parler ? Annie Mongrain note « l’importance de diminuer les tabous de parler du besoin d’aide ». Et elle ajoute : « éviter d’arriver aux conclusions (menant à dire) à cause de tels facteurs. La majorité des situations contient un ensemble de facteurs. »
Rester vigilant
Une semaine de rappel ponctuée d’information et d’activités dont le but demeure la sensibilisation. « Il y a plusieurs services qui se sont développés au cours des dernières années : des intervenants vigilants et formés pour être capables de faire du repérage dans différents secteurs. » Annie Mongrain cite la collaboration de son service avec le milieu de l’emploi, et surtout avec le Carrefour le Moutier, dont le but est de développer le réseau Sentinelles dans Longueuil et ses environs. Il s’agit d’un intervenant capable d’apporter les premiers secours en attendant que les services d’aide prennent le relais.
« Il y a plusieurs services qui se sont développés au cours des dernières années : des intervenants vigilants et formés pour être capables de faire du repérage dans différents secteurs. » – Annie Mongrain
Sur le terrain, Annie Mongrain agit comme gestionnaire du centre de crise L’Accès. Ce sont des services d’évaluation et d’intervention à la population de la sous-région de Longueuil. « L’aide est adressée aux gens vivant des situations de crise de nature psychosociale qui ne nécessite pas de l’hospitalisation. »
Briser le silence
Au Québec, en moyenne, trois personnes s’enlèvent la vie chaque jour. Et ce sont surtout les hommes âgés de 35 à 64 ans, soit 75 % des décès. En 2014, il y a eu 845 hommes et 280 femmes.
Un début de solution serait de créer un climat de confiance qui va amener l’homme à accepter d’aller chercher de l’aide. Annie Mongrain observe à juste titre que ce dernier devrait « reconnaître son besoin d’aide d’une part, et reconnaître la nécessité de poursuivre la collaboration avec les services existants, d’autre part ».
En fait, le défi pour ce centre est « d’adapter le travail des intervenants aux besoins de la personne et à la nature de la crise pour laquelle les gens vont faire appel à nos services ». En d’autres termes, que ce soit la personne elle-même ou ses proches qui communiquent avec le service, mais qui se retirent, les intervenants auront alors à « développer des mécanismes de relance téléphonique et même aller jusqu’à se présenter à domicile s’ils se sentent préoccupés de l’état de la personne ».
Faire appel aux services
Le suicide touche effectivement le Québec de plein fouet. Selon des données de 2011 et de 2012 de l’Organisation de coopération et de développement économiques citées par l’AQPS, la province a un taux de 13,7 habitants sur 100 000. Le Japon est au premier rang avec 18,5. La Grèce et l’Italie ont respectivement 3,8 et 4,7.
Ces drames laissent des milliers de proches et d’amis dans le deuil. Certains s’en sortent, d’autres vivent encore cette épreuve. « Que ces gens-là n’hésitent pas à demander de l’aide, recommande Annie Mongrain. On peut devenir vulnérables à ce moment-là parce que les gens se sentent coupables de n’avoir pas pu intervenir. En parlant, on va pouvoir démystifier les signes d’alarme qui sont détectables. » Elle fait remarquer de plus que les gens ne sont pas formés pour intervenir, mais il faut en parler et demander : « Est-ce que ça va bien? » Il faut « prendre le temps d’écouter, prendre soin de nous ».
Le Centre de crise L’Accès offre des services 24 h sur 24, sept jours par semaine : suivi de crise, intervention mobile (pour une personne réfractaire ou à mobilité réduite), hébergement, service de formation, service aux endeuillés. On peut les joindre au 450 679-8689.
Question :
Abordez-vous la question du suicide avec un proche vivant des situations de crise?