Saint-Bruno : Madrick Emmanuel, quinze ans après l’adoption

Dix ans après sa dernière entrevue avec Madrick Emmanuel, le Journal de Saint-Bruno est allé à sa rencontre. Le garçon avait été adopté par Manon Fillion après le séisme de janvier 2010 en Haïti.    

« Depuis, je suis passé du karaté au soccer et au basket », mentionne Madrick Emmanuel. 

Lors de notre entretien de janvier 2015, le garçon avait six ans, bientôt sept. Il était en première année à l’école De Montarville et se débrouillait bien. Il pratiquait alors le karaté auprès du Sensei Pierre Rouillier au Centre de karaté de Saint-Bruno-de-Montarville. Après avoir obtenu sa ceinture jaune, son objectif était d’aller chercher sa ceinture noire. « J’ai arrêté après. J’étais tanné des sports individuels. »

Le sport

Il a donc dépensé son énergie sur les terrains avec l’Association de soccer Montis. D’abord au récréatif, ensuite au soccer compétitif. « Ç’a été une bonne expérience », dit-il. Avec ses amis, il joue au basketball à l’école. « Madrick a des aptitudes pour les sports », reconnaît sa mère, Manon Fillion. 

Aujourd’hui, le jeune est âgé de 16 ans et demi. Il est en train de compléter sa 5e secondaire au collège Saint-Hilaire. Le sport demeure ce qu’il y a de plus important pour lui. « Je n’arrêterai jamais de faire du sport. »

Les études

Comme pour le sport, l’adolescent a de la facilité à l’école, et ce, depuis le début. Jusqu’à maintenant, il a su décrocher de bonnes notes sans trop se replonger dans ses cahiers quand vient le moment des études. C’est toutefois un peu plus compliqué en 5e secondaire. « C’est difficile, admet-il. Les mathématiques fortes et la science, ça me demande beaucoup. »     

Madrick Emmanuel souhaite poursuivre ses études après le secondaire. Au moment de l’entrevue, il était toutefois encore ambivalent quant au domaine vers lequel il souhaite se diriger ensuite. Il semblait un peu découragé. Peut-être aussi était-ce en raison d’une semaine difficile à l’école. « Je ne sais pas ce que je veux faire. Mais je serai le meilleur dans ce que je vais faire. Que ce soit médecin, avocat ou plombier! » souligne celui qui est aussi adepte de jeux vidéo. Une passion qu’il partage en ligne avec plusieurs de ses amis de Saint-Bruno. 

Sa mère renchérit : « C’est un garçon brillant, un gars de passion. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’il découvre sa voie. S’il aime son travail, il le fera à 100 % », croit-elle. 

Selon elle, trop de portes s’ouvrent à lui en ce moment et c’est difficile pour Madrick de se projeter dans l’avenir. 

Mais le lendemain, après une nuit de sommeil, son fils avait les idées plus claires. Manon Fillion a communiqué avec nous. D’après ses dires, le jeune homme veut aller au cégep. Il veut décrocher un baccalauréat en comptabilité, puis un autre en droit. Il souhaite aussi obtenir sa maîtrise en fiscalité. « C’est ça, un ado. Ça change d’idée du jour au lendemain! » lance celle qui exerce le métier de comptable.

« Je ne sais pas ce que je veux faire. Mais je serai le meilleur dans ce que je vais faire. » – Madrick Emmanuel  

Haïti

Il y a 15 ans, le 30 janvier 2010, Manon Fillion adoptait un petit garçon d’Haïti. C’est d’ailleurs en ce même 30 janvier, mais en 2025, que s’est déroulée notre entrevue. Cet ajout dans sa vie a été un cadeau du ciel pour cette célibataire dont les parents et le frère étaient décédés depuis des années. Emmanuel, alors âgé de 20 mois, est entré dans sa vie à la suite du séisme de janvier 2010 dans ce pays.

Emmanuel, c’était son prénom là-bas. Madrick est un mélange de Manon et de Kendrick, un prénom que la Montarvilloise a toujours beaucoup apprécié. Emmanuel est resté. « C’est son identité, Madrick Emmanuel. Ça lui donne un prénom hors normes. Un des seuls à avoir ce nom », raconte la mère.

Enfant, Madrick Emmanuel répétait à qui voulait bien l’entendre que « sa maman noire biologique l’a laissé à la crèche et que sa maman blanche est venue le chercher ». 

Le jeune a vieilli. Ses yeux se tournent de moins en moins vers son pays d’origine. « Je suis conscient de ce que ces gens ont subi. Je suis conscient de ce qui se passe. Mais je ne veux pas savoir. Je n’ai pas d’intérêt », répond-il.

« Il est tellement intégré. J’ai l’impression que pour lui, sa vie est ici. C’est comme s’il n’avait pas vécu là-bas, mais qu’il était né ici », précise Manon Fillion.

La famille qu’il n’a pas

Madrick vit seul avec sa maman. Il n’a ni frère ni sœur. Puis il ne peut pas se tourner vers une présence paternelle. Quand on lui demande s’il aurait aimé avoir une famille plus grande, il répond que ça ne le dérange pas. « Si j’avais des frères et sœurs, ma mère serait moins sur mon dos. Peut-être que ce serait bien. Mais je suis bien aussi sans. Je suis gâté. Ça ne me dérange pas, mais si j’avais un père, au moins, ma mère serait moins fatiguée avec la routine du quotidien et le travail », conclut le garçon.