Saint-Bruno : le sirop d’érable, du père aux filles
Depuis quelques semaines, la Montarvilloise Lysiane Marois passe des heures à l’érablière familiale afin de récupérer la sève des érables. Elle produit du sirop à Adstock, en Beauce.
« Depuis le 14 mars, je suis tout le temps ici! Je vais être ici tant que dame Nature va décider de faire couler les érables », amorce Lysiane Marois, que le journal a jointe au téléphone.
Les températures étaient si douces en mars que les arbres ont coulé jour et nuit pendant une fin de semaine. « Ce n’est pas l’idéal », commente-t-elle.
L’idéal, c’est lorsque le froid s’installe pour la nuit et que le jour, la température remonte au-dessus de 0° C. Si, au contraire, le mercure se maintient à 2, 3 ou 4 °C durant la nuit, Lysiane dort à la cabane, parce que la sève s’écoule dans les bassins et que les cuves pourraient déborder.
Une histoire de famille
Le temps des sucres, c’est une histoire de famille chez les Marois depuis plus de 60 ans.
Son grand-père, Hercule Marois, l’homme le plus fort que Lysiane a vu de sa vie, et ensuite son père, Mario Marois, et l’oncle de celui-ci, ont travaillé sur cette terre de 64 hectares et de quelque 5000 érables à sucre. À Pâques, les membres de la famille se réunissent sur les lieux pour se retrouver. Une chasse aux trésors est organisée pour les plus jeunes.
Lysiane s’implique depuis la saison 2016. L’année de son initiation. Elle y retourne chaque saison depuis. Souvent toute seule. Aujourd’hui, Lysiane entame sa 10e année de relève à l’érablière.
Mais cette fois, c’est différent. Elle est accompagnée. « C’est vraiment une belle année. Ma fille, Yvonne, est en sabbatique avant d’aller au cégep à l’automne. Elle travaille avec son père deux jours par semaine et aussi avec moi à la comptabilité pour l’entreprise de mon père. Puis ça lui tentait d’essayer ça, la cabane à sucre. Alors, elle est avec moi pour ma dixième année de sucre. Je suis fière d’elle! » dit-elle, émotive.
« J’avais envie de faire autre chose, d’apprendre. J’aide ma mère. Ça me fait bouger, aussi. On marche en raquettes dans la forêt pour vérifier s’il y a des fuites dans les tubes », raconte Yvonne.
Si, un jour, la jeune prend la relève de sa mère, il s’agirait de la quatrième génération à occuper l’érablière familiale. « Plus tard, peut-être un jour, si je veux changer de carrière », fait-elle savoir.
À propos de sa fille qui vient de célébrer son 18e anniversaire, la maman se confie. « Je dis que c’est ma plus belle année aux sucres parce qu’Yvonne est avec moi, mais c’est en même temps ma plus émotive. C’est comme mon last call avant qu’elle parte faire sa vie. J’ai l’impression de vivre mon dernier moment avec elle. Même si je le sais qu’elle sera encore là, et moi aussi, j’ai l’impression que ce ne sera plus pareil après ce printemps. »
Printemps
Pour Lysiane Marois, le printemps est synonyme de temps des sucres. C’est aussi la fin de quelque chose. Ou l’amorce d’un autre cycle de 365 jours. « On vieillit d’un printemps chaque fois. La fin d’une année. Le début d’une autre. »
Quand on lui demande pourquoi c’est important pour elle d’être là année après année, la Montarvilloise répond que c’est un rôle qui lui tient à coeur et parce qu’elle aime cette responsabilité qu’elle a prise sur ses épaules. « Je m’en occupe. C’est gratifiant. Je suis assise au bureau toute l’année. Quand approche le printemps, je suis comme une bombe à retardement. J’ai besoin de bouger! »
Il y a aussi la beauté de la nature qui l’attire. Plus la saison des sucres avance, plus la nature se réveille. D’abord la marmotte. Puis les chevreuils sortent des bois. Le pic-bois vient cogner sur la tôle de la toiture. Les canards et les outardes se posent sur le lac tout près. « Ça me donne une émotion chaque fois », mentionne la jeune femme, qui profite de l’occasion pour remercier ses parents. « Je les aime. C’est grâce à eux si je suis rendue là où je suis. »
Une bonne année
La saison 2025 promet d’être une bonne année de sirop, selon Lysiane. Pour produire une conserve de sirop, il faut 40 conserves d’eau. Si 2024 a été une année record, 2023 n’a été une bonne saison pour personne. Apparemment, le sirop des Marois est très bon. « Mon sirop, c’est le meilleur! Il y a tellement d’amour là-dedans! Il y a des petits cœurs qui sortent de la canne quand on l’ouvre. Cette année en plus, il y a double portion d’amour. En plus, c’est du sirop de la Beauce qui provient d’érables à sucre. Tu ne peux pas demander mieux! »