Saint-Bruno: exposition d’Alan Glass au Musée des beaux-arts de Montréal

À travers les quatre salles, l’ensemble des œuvres d’Alan Glass y est présenté, de ses toutes premières, alors qu’il découvre Paris après la Seconde Guerre mondiale, jusqu’à sa dernière œuvre, réalisée quelques mois avant son décès en janvier 2023.

Si l’artiste savait que le Museo del Palacio de Bellas Artes, que l’on peut traduire par le Musée des beaux-arts de Mexico, travaillait à mettre sur pied une exposition en l’honneur de son art surréaliste, il n’aura cependant jamais pu voir cette exposition, ni savoir qu’il serait exposé seul pour la toute première fois dans un musée canadien. Mondes et merveilles : le voyage surréaliste d’Alan Glass propose un périple au cœur de l’univers de ce Montarvillois d’origine et Mexicain d’adoption à travers une centaine d’œuvres, issues des différentes techniques qui ont façonné son style surréaliste.

Une salle expose également une courte vidéo de sa maison à Mexico, où l’on peut voir, extrait après extrait, combien son milieu de vie était enseveli par les idées, les projets et l’art. « Son assistant parcourait les lieux pour chercher des objets dont il savait précisément où ils se trouvaient », mentionne Elisabeth Otto, conservatrice adjointe de l’art québécois et canadien. Elle est l’une des commissaires de l’exposition, organisée par le Museo del Palacio de Bellas Artes de Mexico, en collaboration avec le Musée des beaux-arts de Montréal. Elle a d’ailleurs accordé une attention particulière pour mettre en lumière les liens qui restaient entre l’artiste et le Québec. Certaines oeuvres reçues par Guy Fournier et par la veuve d’Alfred Pellan, qui était son enseignant. « Il aimait revenir au Québec régulièrement et surtout l’automne », mentionne-t-elle.

« Il avait la volonté de créer pour ce qu’il avait envie, et non pas pour vendre. » – Elisabeth Otto

Vers Paris à 19 ans

L’homme, qui a vécu une partie de son enfance à Saint-Bruno, a rapidement pris son envol vers la France, puis vers le Mexique, pour s’épanouir en tant qu’artiste. À l’âge de 19 ans, raconte Elisabeth Otto, il a rejoint de grands artistes à Paris, qui y étaient déjà établis. « Dès le début, il a dit à Mexico, je peux me réaliser. Je peux avoir la vie créative que je veux et de vivre avec peu », explique Mme Otto. Il était parti pour la France avec cette volonté, puis s’est envolé pour le Mexique avec ce même désir.

C’est en France qu’il a rencontré plusieurs artistes, dont André Breton et Alejandro Jodorowsky, avec qui il s’est lié d’amitié, mais également avec leur entourage. L’une des œuvres présentées a été réalisée par Glass pour le film La Montagne sacrée (1973). Un gros plan sur la boîte apparaît dans le générique d’ouverture du film.

Car si les œuvres d’Alan Glass débutent avec l’apparition du stylo bille, dès son arrivée au Mexique, l’artiste se concentre sur la confection de boîtes dont le contenu est inspiré d’objets communs qu’il achetait à faible coût, de cadeaux reçus ou même de trouvailles anodines de son quotidien ou de ses nombreux voyages. « Alan Glass est un artiste qui expliquait très peu ses œuvres, laissant ainsi toute la place à l’interprétation dans l’œil de celui qui les regarde », mentionne Mme Otto. D’ailleurs, plusieurs œuvres n’ont pas de titre dans l’exposition.

M. Glass a vécu son enfance à Saint-Bruno, dans une maison située sur la rue Montarville, et sa famille est étroitement liée au célèbre club de golf privé Mount Bruno Country Club. Son oncle, Willie Park Jr., a réalisé le parcours original du golf, et le père d’Alan Glass était responsable de sa gestion. Son appartenance au Québec et à Montréal est mise de l’avant dans cette exposition, une attention particulière qui tenait à cœur à la commissaire. « Toutes les fins de semaine, il téléphonait des amis à Paris, à Montréal et aux États-Unis. Il n’écrivait pas de courriel à ses proches, mais il entretenait, avec plusieurs d’entre eux, des correspondances par écrit », explique Mme Otto.

L’amitié au cœur de sa vie

Si l’artiste a résidé au Mexique une grande partie de sa vie, c’était surtout pour que son art ait un public. Il était conscient qu’à Montréal, même si quelques œuvres ont été vendues dans des galeries d’ici, le grand public n’était pas aussi interpellé par son art. « Il avait la volonté de créer pour ce qu’il avait envie, et non pas pour vendre », raconte Mme Otto, qui, pour la confection de l’exposition, a pu discuter avec des proches de M. Glass et consulter les correspondances qu’il a entretenues avec d’autres artistes.

L’amitié est un thème très fort qui revient dans plusieurs œuvres de l’exposition. Un mur complet y est dédié. L’artiste donnait plusieurs de ses œuvres à ses amis. Selon leur conception, certaines de ses créations peuvent parfois ressembler à une boîte souvenir, comme c’est le cas pour trois d’entre elles, confectionnées à partir d’objets et d’images qu’il recevait d’une amie. D’autres thèmes reviennent à travers ses accomplissements, dont la féminité, qu’il exprime notamment par l’œuf.

Reconnu à Saint-Bruno

Alan Glass usait de son talent d’artiste pour décorer des coquilles d’œufs qu’il offrait ensuite en cadeau. La fragilité de ses œuvres, notamment dans les années 1960, rendait leur transport plus compliqué. C’est une autre des raisons soulevées par Mme Otto pour expliquer pourquoi l’artiste n’avait jamais eu d’exposition en solo dans les musées. Il avait parfois exhibé des œuvres dans des expositions conjointes. À l’automne 2022, il présentait l’exposition Dessins automatiques Paris 1954/1962 au centre d’exposition du Vieux Presbytère. Le 24 janvier 2016, on inaugurait une salle en son honneur au Vieux Presbytère de Saint-Bruno.

Différentes œuvres présentées à Montréal proviennent aussi de collections privées, dont certaines prêtées par des amis de l’artiste surréaliste. L’exposition est présentée au Musée des beaux-arts de Montréal jusqu’au 28 septembre.