Retrouvailles après 65 ans

L’émission Deuxième chance de Radio-Canada récidive en Montérégie en permettant à la Julievilloise Enza Iasenza de remercier une vieille connaissance pour les gestes qu’elle a posés il y a 65 ans.
Dans l’émission du 3 février les téléspectateurs découvrent Enza Iasenza, une Italienne qui a immigré au Québec en 1952 avec sa mère et sa sœur, alors que son père était déjà au pays depuis deux ans.
Selon la Julievilloise, l’intégration n’était pas facile dans les années 1950 : « Quand on est arrivées, c’était tout un déracinement et on se sentait au bout du monde, car on avait coupé tous les liens avec l’Italie et le reste de notre famille là-bas. On ne connaissait personne et on ne parlait pas français. »
Leur intégration a été grandement facilitée grâce à son enseignante de deuxième année, Mlle Yolande Labelle. Contrairement à de nombreux Italiens qui allaient à l’école anglophone à l’époque, Enza Iasenza et sa sœur ont fréquenté une école francophone, l’École Saint-Barthélemy à Montréal. « On était des petites filles un peu perdues parce qu’on ne parlait pas du tout la langue, et Mlle Labelle était très gentille et a fait un gros changement dans notre vie. »
Elle raconte que l’enseignante emmenait les jeunes filles chez elle, où elles ont rencontré toute sa famille, qu’elle faisait beaucoup d’activités avec elles et qu’elle les invitait à son chalet pendant l’été au lac des Deux-Montagnes. Cette intégration dans sa famille et dans la société québécoise dépassait de loin leurs rêves et a aidé toute leur famille.

« J’ai toujours gardé le souvenir de leur générosité. C’est une histoire qui m’habitait encore à 70 ans parce que c’est grâce à elle que je suis devenue la personne que je suis. » – Enza Iasenza

C’est pour la remercier pour ces gestes exceptionnels qu’Enza Iasenza voulait retrouver son ancienne enseignante. « J’ai toujours gardé le souvenir de leur générosité. C’est une histoire qui m’habitait encore à 70 ans parce que c’est grâce à elle que je suis devenue la personne que je suis et je voulais tellement lui dire tout ce que ça a fait dans ma vie », souligne-t-elle.
Séparation
Au fil du temps et des déménagements, les familles se sont perdues de vue. Bien qu’elle gardait ce souvenir bien ancré en elle, Enza Iasenza n’avait pas essayé de retrouver la dame, étant donné le peu d’informations et de ressources qu’elle avait. « C’était difficile parce qu’elle avait changé de nom en se mariant et je ne savais pas où elle pouvait être, donc je n’ai pas pu essayer de la joindre », se désole-t-elle.
Toutefois, elle a su grâce à l’émission que Yolande Labelle avait essayé de la retrouver avec de maigres chances : « Il y a une grosse boucherie à Montréal qui porte le nom de Iasenza et elle avait demandé à ces gens s’ils me connaissaient. C’est le même nom, mais on n’est pas parents, c’est comme les Tremblay au Québec. »
Deuxième chance
C’est sans grand espoir qu’Enza Iasenza a envoyé son histoire à l’émission, car elle se disait que 65 ans plus tard, les chances étaient minces : « C’était comme lancer une bouteille à la mer, car c’est un grand défi de trouver quelqu’un de plus de 85 ans; il y avait des risques qu’elle soit malade ou décédée. »
Contre toute attente, la Julievilloise apprend quelques mois après l’envoi de sa demande que les recherchistes ont mis la main sur Yolande Labelle, qui avait effectivement changé de nom après son mariage et qui, à l’âge de 87 ans, se souvenait toujours des deux jeunes Italiennes qu’elle a accueillies chez elle.
Enza Iasenza et sa sœur ont pu la rencontrer l’année dernière. « Notre rencontre a été extraordinaire et chargée d’émotion. Je ne m’attendais jamais de la revoir, c’était comme réaliser l’impossible! », s’exclame-t-elle.
Elle a pu remercier son ancienne enseignante du haut de ses 70 ans et lui raconter tout ce qu’elle avait parcouru ces soixante dernières années : « Ça m’a fait de quoi de la remercier avec tout mon vécu, ça a plus d’impact que quand tu es juste un enfant.»
Rattraper le temps perdu
Plusieurs mois après l’enregistrement de l’émission, Enza Iasenza est encore fébrile et reconnaissante de cette expérience: « C’est un beau cadeau de la vie, je ne pouvais pas m’imaginer que j’aurais pu vivre ça; je souhaiterais à tout le monde de pouvoir y arriver. »
D’ailleurs, elles ont décidé de rester en contact et se parlent régulièrement au téléphone afin de rattraper le temps perdu.