Stéphane Bergeron, député bloquiste de la circonscription fédérale de Montarville, a accepté de revenir, avec le Journal de Sainte-Julie, sur son retrait, temporaire ou pas, de la vie politique à la fin de son mandat.
Journal de Sainte-Julie – Vous n’avez pas changé de décision depuis votre annonce?
Stéphane Bergeron – La décision est toujours la même, mais j’avoue que j’ai été surpris de la réaction de beaucoup de gens et notamment des citoyens et des citoyennes. J’ai des manifestations d’affection, de reconnaissance partout où je vais. J’ai fait la blague, la fin de semaine dernière, que cela me donne presque le goût de rester. Mais les raisons qui m’ont amené à annoncer mon départ demeurent. Si bien que je ne change pas d’idée, du moins pas à brève échéance, et j’ai besoin d’avoir une certaine liberté.
Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre cette décision?
J’ai parlé de raisons personnelles, car ma mère est en fin de vie et mon père, que j’aime à présenter comme son aidant « surnaturel », n’a qu’elle comme seul univers. Si bien que quand elle aura quitté, mon père se retrouvera bien désemparé, et je veux pouvoir être là pour lui. Mes parents vivent dans une maison bigénérationnelle avec mon frère depuis nombre d’années et donc, quand mon père a besoin d’aide, il y a mon frère. Moi, je ne suis jamais là, car c’est ce que m’impose mon métier de député. J’ai eu ce poste et j’en suis rempli de gratitude à l’égard de la population, mais le peu de disponibilité que m’offre ce travail fait en sorte que je ne suis pas aussi disponible pour mes parents. Je veux pouvoir être totalement disponible pour passer du temps avec ma mère avant qu’elle ne quitte, mais je veux surtout être là pour mon père par la suite. Je ne veux pas que le poids de tout cela, comme c’est le cas depuis plusieurs années, ne soit porté que sur les épaules de mon frère. Je ne veux pas, dans ces moments-là, qu’il ait à se moduler à mon agenda. C’est moi qui dois pouvoir me moduler aussi. Pour ça, j’ai besoin d’avoir cette liberté que je n’ai plus autant depuis que j’occupe ces fonctions parlementaires. Cela dit, je suis encore jeune. Les gens me disent souvent de prendre ma retraite. Non, je suis trop jeune pour cela. Je prends un pas de recul et je vais voir ce que la vie aura à m’offrir. J’ai amorcé, en 2018, un projet que je n’ai jamais eu l’occasion de poursuivre. Donc, j’aurai quelques mois devant moi pour me remettre à l’ouvrage. Après ça, on verra ce qui se passera.
La conciliation entre une vie politique et une vie de famille est-elle difficile?
Je me souviendrai toujours, lors de ma première nuit comme député fédéral, j’avais décidé de prendre une fin de semaine à Ottawa avec ma conjointe pour passer du temps ensemble. Le lendemain matin, le radio-réveil nous annonçait qu’une tornade venait de traverser Saint-Charles-sur-Richelieu. J’ai regardé ma conjointe et je lui ai dit « On repart! ». Une histoire bien connue. Au moment de l’accident à Lac-Mégantic, j’étais en vacances en Europe avec ma famille et je suis revenu précipitamment, en laissant ma fille et ma conjointe poursuivre la croisière, pour prêter main-forte à la population. C’est ça, la vie de député et ça, c’est assez méconnu. Les contrecoups de la politique, c’est souvent la famille qui les essuie parce qu’elle n’a pas choisi de faire de la politique et qu’elle se retrouve souvent à en faire et à devoir composer avec des contraintes en rapport avec la vie politique. J’ai une fille dont je suis très fier, mais ma conjointe a été l’équivalente d’une mère monoparentale, car j’ai été très absent. Dans beaucoup de moments importants, comme les premiers mots, les premiers pas, j’étais à Ottawa. Cela impose beaucoup de sacrifices aux politiciens, mais cela impose d’abord et avant des contraintes à la famille. Ma mère, lorsqu’elle voulait organiser un souper familial à la maison, devait téléphoner pour connaître mes disponibilités, puis elle organisait le souper en fonction de ça. Ce sont des contraintes que l’on impose à notre famille, et j’ai décidé, compte tenu des circonstances, de ne plus les imposer à ma famille. Je m’impose à moi les contraintes de devoir me retirer d’un métier que j’aime et que j’adore, comme mes communautés. Je ne crains pas la campagne électorale, au contraire. Les pronostics sont plutôt positifs pour nous. Je ne suis pas inquiet. Comme candidat, j’ai fait douze campagnes. Donc, ce n’est pas du tout ça qui me rebute, loin de là. C’est vraiment cette contrainte personnelle familiale qui m’amène à réclamer une certaine liberté pour pouvoir être là lorsque mon père en aura besoin, et pas seulement lorsque je serai disponible. Je ne présume de rien, je n’ai absolument aucun plan, sinon celui de passer du temps avec mon père.
Quels sont vos pronostics pour les prochaines élections fédérales?
Si l’élection devait avoir lieu demain matin, avec les intentions de vote que l’on a présentement, on serait en mesure d’aller chercher autour de 45 sièges. On est à 33 présentement. C’est dire que le potentiel de croissance est très important pour le Bloc québécois. Je croyais qu’avec l’augmentation de sièges, il était impossible de rééditer l’exploit de 1993 d’être l’opposition officielle. Les intégrateurs de sondages laissent entendre que ce serait envisageable. Je vais regarder ça d’un œil très intéressé dans la mesure où j’ai offert toute ma collaboration à la personne qui sera amenée à porter les couleurs de notre formation politique, dans la nouvelle circonscription Mont-Saint-Bruno-L’Acadie, ainsi qu’à mes collègues. Puis, le soir de l’élection, ou bien je serai bien sagement chez moi, ou je serai dans un local électoral, vraisemblablement celui de Mont-Saint-Bruno-L’Acadie, ou je serai sur un plateau de télévision à commenter l’élection, mais une chose est certaine, c’est qu’au terme de la prochaine élection fédérale, je ne serai plus député de la circonscription de Montarville. C’est la seule certitude que j’ai, celle d’être le dernier député fédéral de Montarville. Pour le reste, c’est entre les mains des citoyens et citoyennes de la circonscription, de l’ensemble du Québec et du Canada. Et c’est à eux et elles de déterminer si le Bloc québécois forme l’opposition officielle, et cela voudra dire une victoire écrasante du Parti conservateur, une débandade complète du Parti libéral et un résultat plutôt médiocre du Nouveau parti démocratique. L’opposition officielle, ce n’est pas quelque chose que l’on recherche, c’est quelque chose qui nous tombe dessus pour l’avoir vécu en 1993.