Où sont les employés?
Depuis quelques semaines, des clients du McDonald’s au coin de la rue Montarville et du chemin De La Rabastalière se cognent le nez sur une porte close. « Salle à manger fermée. Manque d’employés », peut-on lire dans la vitrine.
La rentrée scolaire, une première rentrée régulière depuis septembre 2019 à cause de la pandémie, affecte-t-elle le marché du travail? C’est la question que le journal Les Versants a posée.
« Oui, ça nous touche vraiment, le retour en classes!, répond d’emblée la superviseuse de marché du McDonald’s Saint-Bruno, Tiffany Boudreau. Mon problème, c’est que je n’ai plus de temps plein. »
Non seulement elle doit faire face à une pénurie de travailleurs à temps plein, mais Mme Boudreau doit aussi pallier le manque d’étudiants. Ce qui n’était pas le cas auparavant. « C’est le plus gros problème. Il n’y en a plus, des étudiants qui travaillent. »
« Des dizaines de parents m’ont dit que leurs jeunes souffraient d’anxiété et que c’était trop difficile pour eux de gérer l’école et le travail. » – Tiffany Boudreau
Les parents
D’autre part, le journal a appris qu’en plus des jeunes, l’employeur doit aussi gérer les parents de ces adolescents. Ces derniers sont embauchés, travaillent quelques jours et disparaissent dans la nature, sans donner d’avis. « Ce sont les parents qui nous annoncent la démission à la place. J’ai des parents qui ne veulent pas que leurs enfants étudient et travaillent en même temps. Surtout ceux dont les jeunes sont en 4e secondaire, parce que c’est une année importante. Ces parents-là ne veulent pas », explique Mme Boudreau.
La raison de ces démissions ou de ces refus parentaux a de quoi surprendre et inquiéter. On évoque anxiété et dépression. « Des dizaines de parents m’ont dit que leurs jeunes souffraient d’anxiété et que c’était trop difficile pour eux de gérer l’école et le travail », affirme Mme Boudreau.
Cette dernière insiste pour dire qu’il y a cinq ans, les parents n’appelaient pas pour leurs enfants. Aujourd’hui, la situation a changé. « C’est beaucoup de gestion, gérer aussi les parents… »
Puis elle poursuit : « Les jeunes, aujourd’hui, sont aussi moins portés à travailler. ‘’Je n’ai rien à payer!’’ qu’ils me disent. Ça explique aussi pourquoi il y a moins de postes à temps plein qui sont comblés. »
Pour Tiffany Boudreau, un ensemble de facteurs affectent le marché du travail actuellement. Autre constat, ceux qui sont embauchés sont plus jeunes qu’auparavant. « On les engagent deux fois plus jeunes! Au lieu de 16 ou 17 ans, ils ont 14, 15 ans. »
La situation au McDonald’s Saint-Bruno est d’autant plus difficile, apprend-on, qu’en plus d’une baisse de travailleurs, le restaurant de la rue Montarville doit faire face à une hausse de la clientèle. Surtout quand d’autres commerces de restauration rapide du quartier sont fermés. « On se fait bombarder de clients! Avant, je vendais à peine de beignes. Aujourd’hui, les beignes sont un très bon vendeur… », insiste la superviseuse.
Robert Mignault
Robert Mignault est franchisé de plusieurs McDonald’s dans la vallée du Richelieu, dont celui de Saint-Basile-le-Grand.
Selon lui, la situation avec les employés ne s’améliore pas. Au contraire, elle ne fait qu’empirer. « Nous avons de la misère. Nous fermons nos salles à manger. Ça dure depuis quelques années. Nous n’allons pas dans la bonne direction », commente un M. Mignault qui cherche, lui aussi, des travailleurs à temps plein.
Par exemple, les employés qu’il embauche quittent parfois trois jours seulement après avoir commencé. « Ils partent. Ils disparaissent. Ils démissionnent. Ce n’est pas juste les étudiants, mais plutôt des gens de tout âge. Je n’ai aucune idée de ce qui explique ce phénomène. Tout le marché du travail semble touché » illustre-t-il.
Effet domino
L’ouverture de nouveaux commerces, ou encore le manque d’éducatrices dans les garderies et les centres de la petite enfance, ont aussi un effet domino sur les restaurants de M. Mignault. « Quand de nouveaux commerces ouvrent à Beloeil ou à Mont-Saint-Hilaire, c’est une main-d’œuvre à laquelle je n’ai pas accès. Puis la pénurie en garderie fait en sorte que des mères ne peuvent pas travailler, car elles doivent rester à la maison avec leurs enfants », ajoute-t-il pour expliquer l’ensemble de la situation actuelle. « Ce n’est pas si simple. C’est un ensemble de facteurs qui nous fait mal. »
L’homme d’affaires est un franchisé McDonald’s depuis plusieurs années. C’est la première fois qu’il vit pareille situation. « En 42 ans, c’est la pire année pour nous. C’est le McDo de Saint-Basile-le-Grand qui est le plus affecté par la crise », déplore-t-il.