Où est Charlie?

L’ignoble carnage idéologique qui s’est produit le mercredi 7 janvier dans les locaux du journal d’humour satirique Charlie Hebdo à Paris nous atteint tous profondément. Notamment le Montarvillois Richard Boudreault, ancien caricaturiste du journal Les Versants.

Richard Boudreault est particulièrement atteint par cette tragédie, à plusieurs niveaux. « Premièrement, en tant qu’être humain. Cet acte de barbarie gratuit nous met en état de choc. Comment peut-on si froidement abattre 12 personnes à bout portant au nom d’une idéologie et de l’obscurantisme ambiant? L’incompréhension totale! Ensuite, en tant que caricaturiste, je suis touché dans mon cœur d’enfant, dans mon adolescence inachevée, alors que ces victimes caricaturistes ont animé mes années d’école, mes soirées sans Internet, iPhone, ni Xbox, mes vacances et mes premiers cours en art. Déjà, au milieu des années 70, je lisais Cabu et Wolinski, deux des victimes de la tuerie à qui je vouais une réelle admiration. Ils étaient tous des modèles pour moi, qui rêvais de faire de la bande dessinée et de la caricature une carrière. »

Ce furent d’ailleurs ses premières relations avec la bande dessinée. Le journal Pilote, alors que Boudreault n’était qu’un jeune adolescent, et ensuite Hara-Kiri, une publication déjà plus engagée politiquement, et enfin, il passe ses premières lectures adultes avec Charlie Hebdo, qu’il achète encore régulièrement. « J’ai toujours avec moi mes albums de Cabu et Wolinski dans mes cartons. Ces quatre grands dessinateurs d’humour que sont Charb, Wolinski, Cabu et Tignous, que la profession vient de perdre, cela mettra peut-être l’aventure Charlie Hebdo en péril… c’est un peu comme avoir tué mon rêve d’enfant », de commenter le caricaturiste Richard Boudreault.      

Il poursuit : « Mais ce qui est très grave, en plus des pertes humaines et probablement la mort d’un des derniers journaux d’humour satirique libre de ce monde, c’est encore une fois nos libertés qui sont assassinées, le droit à la liberté d’expression. Après les nombreux journalistes décapités sur nos écrans en direct, ce sont maintenant les caricaturistes qui sont la cible de ces extrémistes. » 

Richard Boudreault estime que depuis le 11 septembre 2001, le monde a basculé dans l’insécurité la plus totale et dans une perte de nos libertés à tout jamais. « Maintenant, ce n’est pas en voyageant que l’on risque le plus sa vie. C’est en écrivant et en dessinant nos opinions. Notre métier est devenu dangereux! Devra-t-on dessiner avec des vestes pare-balles? Travailler dans des « bunkers » antiterroristes? Sortir de chez soi armé? Il faut, pour se tenir debout, faire couler plus d’encre que de sang! Où est notre liberté? Où est Charlie? Aujourd’hui, je suis Charlie; nous sommes tous Charlie. »