La députée de Verchères, Suzanne Roy, ministre de la Famille et ministre responsable de la Montérégie, a accepté de répondre aux questions du journal sur ce qu’elle compte faire lors de son premier mandat au sein du gouvernement.
Pourquoi, après quatre mandats, avez-vous décidé de quitter votre poste de mairesse à Sainte-Julie?
Je n’avais jamais accepté les invitations auparavant, mais cette fois-ci, j’avais fait le tour du jardin. J’avais envie de continuer à être utile, mais à d’autres niveaux. Il était temps de laisser la place à d’autres qui arrivent avec leurs idées, leurs façons de faire, et j’avais aussi encore l’énergie pour servir. Ça, c’est important, parce que je savais qu’en m’en allant sur la scène provinciale, cela demanderait une énergie physique, mentale. Il faut être en forme pour pouvoir le faire, et surtout envie de le faire avec la même passion pour laquelle je l’ai fait sur le plan municipal. Moi, je trouve ça essentiel.
Vous avez de grosses responsabilités au sein du gouvernement, comment avez-vous accueilli cette nouvelle?
Le premier ministre s’est informé, sur l’ensemble des 90 députés, sur leurs champs d’intérêt et j’avais levé la main sur le champ d’intérêt de la famille et de la Montérégie. Alors, les deux sont pour moi importants. Quand je me suis présentée en 1996, comme indépendante dans mon quartier à Sainte-Julie, mon thème, c’était la famille au cœur de mes préoccupations. C’était déjà un leitmotiv de le mettre de l’avant. Avec tout le grand chantier au niveau du gouvernement du Québec qui est un immense défi, c’est encore plus stimulant. Et la Montérégie, tout le monde le sait, j’ai un attachement très particulier pour cette région, qui est en elle-même plusieurs régions. C’est une région urbaine, économique, manufacturière, agricole, touristique… C’est une région hyper complète. Elle ne se définit pas que par une caractéristique, parce que dans sa complexité, dans sa grandeur, elle va rechercher plein d’attributs qui en font un mini Québec.
Avez-vous aussi hérité, avec le ministère de la Famille, d’un ministère qui devra aussi toucher plusieurs aspects de la vie des Québécois?
C’est un bon moment de réaliser des choses. C’est un ministère où il faut compléter un réseau. On parle de 35 000 places à mettre à court terme à la disposition des enfants du Québec. On parle de convertir 55 000 places de garderie privée en garderie subventionnée. C’est du jamais-vu au Québec. Tout ça dans un contexte où rien n’est facile avec une pénurie de main-d’œuvre, avec une forte inflation… Les défis sont grands, mais je pense que c’est réalisable, et ça, pour moi, c’est aussi important. Avec un souci particulier pour les enfants vulnérables qui ont des besoins particuliers. Malheureusement, on l’a vu après la pandémie, il y a plusieurs enfants qui demandent des attentions particulières. Alors, il va falloir s’assurer qu’eux aussi ont leur place. Je crois en l’égalité des chances des enfants si on leur donne des outils. Ça, c’est le rôle de l’État de le faire. C’est un troisième volet qui est très rattaché aux deux autres. Les garderies non subventionnées, c’est une iniquité pour les parents. Il y a des parents pour qui cela représente une deuxième hypothèque d’y envoyer leurs enfants. Puis le vérificateur général du Québec et le protecteur du citoyen ont relevé que nos enfants vulnérables sont moins présents dans les CPE. Ils s’inscrivent plus tard. Là aussi, il faut aller chercher l’égalité des chances. On touche à tout au sein du ministère de la Famille, c’est la joie de ce ministère transversal. Je travaille actuellement avec le ministre Carmant concernant le fait d’agir tôt. Je lui dis que je serai sa plus fidèle alliée pour pouvoir intervenir rapidement pour détecter et référencer les jeunes enfants, mieux les soutenir, mieux les outiller, alors on est déjà au travail avec le Dr Carmant. Évidemment, on travaille au niveau de l’allocation familiale, au soutien aussi aux enfants handicapés, aux enfants en difficulté. On est appelés, donc, à travailler avec les différents ministères, on peut parler de la DPJ, ou encore d’autres dossiers qui touchent la famille.
La Montérégie, c’est important pour la CAQ. C’est beaucoup de confiance que le premier ministre vous a donnée dans son portefeuille?
Je le prends comme ça, mais le premier ministre connaît mon amour pour la Montérégie. Même comme mairesse de Sainte-Julie, tous les dossiers montérégiens, je m’en suis toujours mêlée, parce que c’est ma région. Pour la CAQ, pour n’importe quel gouvernement. On est 18 députés. La Montérégie, c’est trois régions. C’est l’équivalent de Laval, Laurentides et Lanaudière. C’est trois régions en une seule. C’est un poids démographique important, c’est beaucoup de jeunes familles.
Votre bureau de circonscription est à Varennes; pourquoi pas à Sainte-Julie?
D’abord, géographiquement, le bureau est situé au meilleur endroit, car il est aux confins de Sainte-Julie, de Sainte-Amable et de Varennes. Si je prends le cœur de ces trois villes, les citoyens ont le même temps à faire pour se rendre au bureau de comté. Donc, je n’avantage personne et personne n’est désavantagé. Pour tout ce qui est de la partie Contrecœur, Calixa-Lavallée, Verchères, on a la sortie directement sur l’autoroute 30. Alors, c’était difficile de trouver un emplacement meilleur que celui-là. D’ailleurs, nous sommes installés dans les meubles de Bernard Landry; ce sont ses meubles que l’on conserve. Alors, je trouvais ça important, géographiquement, que cela soit pour tout le monde dans le comté, que ce soit facile de se rendre au bureau.
Alors pas de bureau à Sainte-Julie, ni de ministère des Affaires municipales après votre passage marqué à l’UMQ, pourquoi?
Cela aurait été invraisemblable! Je ne souhaitais pas ça. Je viens de sortir de 25 ans du monde municipal, où j’ai beaucoup donné. Bien sûr, j’ai été mairesse, mais j’ai été préfète pendant 17 ans de la MRC et j’ai été présidente de l’UMQ à quatre reprises. Alors, tous les dossiers nationaux, je les ai déjà traités à travers ma présence au sein de l’UMQ. Donc, j’avais envie d’agir dans d’autres domaines et celui de la famille me colle au corps vraiment bien. J’avais vraiment cette envie de dire « J’ai encore des défis à relever et je suis capable d’en relever dans d’autres domaines que celui des municipalités ».
Ça vous a fait quoi, lorsque, pour la première fois, vous avez siégé à l’Assemblée nationale?
Je pensais que ce serait un sentiment de fierté avant que cela se passe. Et sincèrement, l’émotion que j’ai eue, ç’a été plus une émotion de devoir. De sentir une obligation de changer les choses, d’atteindre les objectifs. Cela m’a même surprise. J’ai toute une responsabilité. J’ai de vrais objectifs à atteindre, qui sont importants pour notre société, et il faudra que je mette la gomme pour réussir. J’ai une mission à accomplir dans ce poste.
Qu’est-ce qui vous fera dire, dans quatre ans, que vous avez accompli votre mission?
Si l’on a comblé un maximum de places en garderie pour les enfants, si l’on a réussi à rendre des chances égales pour les familles en ayant plus de places subventionnées et voir que nos petits ont des outils supplémentaires pour réussir leur vie. C’est tellement un devoir collectif que nous avons. Je veux que nous sentions que l’on a tous ce devoir-là, de donner à nos enfants la chance de réussir.
Vous avez été courtisée par plusieurs partis; pourquoi avoir choisi la CAQ?
C’est ce que j’ai vu dans l’agissement de la CAQ à la pandémie qui a été vraiment l’élément le plus déterminant. Je n’étais même pas convaincue que je voulais faire de la politique au niveau du Québec. Quand j’ai vu la CAQ en pandémie réagir rapidement, de ne pas s’emmurer avec des œillères sur des positions quand, à un moment donné, on pense que l’on a une bonne idée, on la met en place et finalement, ce n’était pas si bon que ça. Reculer, en politique, c’était un gros mot il y a quelques années. D’être capable, pour la CAQ, de réajuster le tir. J’avais toujours dit que je ne voulais pas aller en politique pour arrêter de réfléchir. Pour moi, c’est important de continuer à émettre mon opinion, à travailler en équipe, et c’est ça que j’ai vu de la CAQ lors des quatre dernières années.
Vous n’y avez jamais pensé avant de vous présenter comme députée?
J’y pensais parce que les gens m’interpellaient pour que j’y aille, mais je n’avais pas le goût.
Le fait que la CAQ avait de fortes chances de gagner, cela n’a pas aidé votre réflexion?
Moi, je me suis présentée il y a 25 ans comme candidate indépendante dans une ville contre deux partis établis. Il n’y avait pas de confort dans ce choix. Je suis une fille de terrain. Quand j’ai vu François Legault agir, je me suis simplement dit que je pourrais avoir un apport, alors j’y suis allée. Je peux amener quelque chose, un peu ce que j’ai fait en 1996, quand je disais que l’on pouvait faire de Sainte-Julie la ville de la famille. On riait de moi à l’époque, mais on l’a fait.
En 1996, pensiez-vous que vous passeriez toutes ces années en politique?
Non. J’ai toujours aimé la politique. J’aime ça. J’aime lire les journaux, je trouve ça captivant. C’est meilleur que bien des romans. Jamais je n’avais pensé aller en politique municipale. Je me suis questionnée sur un problème domestique et l’on m’a un peu ignorée en indiquant que mon problème n’était pas important. Je me rappelle être allée voir la personne en lui disant ne pas comprendre pourquoi j’étais accueillie comme cela. Que l’on pouvait me dire non, mais pas me prendre de haut. Écoutez mon problème, et peut-être que j’ai tort, mais expliquez-moi pourquoi, mais ne vous foutez pas de moi. Alors, la dame m’a répondu : » Si cela ne fait pas votre affaire, vous n’avez qu’à vous présenter. » Et j’y suis allée.
Vous auriez fait quoi si vous n’aviez pas été en politique?
On ne peut jamais prédire l’avenir. J’aimais beaucoup les chiffres. Je travaillais toujours en marge de la politique. J’étais à la Société Saint-Jean-Baptiste, j’avais le côté gestion, administration, compagnie d’assurance. Alors, probablement que j’aurais continué là-dedans. Mais je me suis toujours impliquée. J’avais 16 ans, j’étais au conseil d’école, je suis arrivée au cégep, j’ai fondé une association étudiante collégiale. J’ai été la première femme présidente de l’association étudiante à l’Université Laval. Je me suis toujours impliquée. Je pense que j’aurais continué à m’impliquer dans d’autres domaines.
Que peut-on vous souhaiter?
De réussir à accélérer les choses. Parce qu’en ayant des problèmes de pénurie, des problèmes d’inflation, c’est sûr que ça complexifie la mise en place du réseau. D’être la plus créative possible pour trouver des solutions. Les problèmes, ils vont venir tout seuls. Je n’ai aucune inquiétude, ils vont arriver. Je veux être la plus créative possible avec mon équipe. J’ai une équipe de personnes qui y croient. Si l’on n’est pas un vrai groupe, on ne réussira pas. Je suis chanceuse, j’ai vraiment une bonne équipe. Je vais mettre toute mon énergie pour que l’on réussisse. C’est un projet de société que Pauline Marois a mis en place et l’on dit maintenant que l’on en fera un réseau universel pour tous les enfants. Cela fait 25 ans que l’on en rêve au Québec. Je ne vais pas ménager mon énergie.