Le bilan de Cindy Walsh de la Coupe du monde de soccer féminine

Après avoir été la collaboratrice de luxe du Journal des Versants pour commenter la Coupe du monde féminine de soccer ce dernier mois, Cindy Walsh, joueuse internationale avec l’équipe canadienne de 1998 à 2010, répond à nos questions sur comment cette compétition fera évoluer le soccer féminin.

Comment une ex-joueuse de l’équipe canadienne, une entraîneuse de soccer aujourd’hui, regarde-t-elle une coupe du monde de soccer?

En tant que joueuse, j’ai toujours été critique de mon propre jeu et de mes coéquipières. Aujourd’hui en tant que coach, la première chose que j’ai regardée, c’est le résultat décevant du Canada. Les choses que j’ai remarquées le plus étaient sur un manque de finition du Canada. L’équipe n’a marqué que deux buts durant le tournoi. Aussi, sur le plan défensif, dans deux des trois matchs, l’équipe a accordé un but dans les 10 premières minutes du match, et moi, en tant que défenseuse, même maintenant quand je joue, il faut avoir un bon bloc défensif. Donc, pour moi, cela a été une grosse déception. Aussi, la vedette de l’équipe du Canada, Christine Sinclair, est pour moi sur la fin de sa carrière. Lors des 20 dernières années, c’était une machine offensive. Et le fait d’avoir manqué de la magie qu’on lui connaissait, cela a été pour moi une déception. Même si cela a été décevant de voir les résultats du Canada, on voit quand même qu’il y a un potentiel avec des joueuses qui sont là. Je pense qu’il faut qu’il y ait des changements au sein de l’organisation, ainsi qu’un meilleur soutien pour les joueuses du Canada, aussi au Québec.

L’équipe canadienne a besoin de changements?

Il va falloir se réorganiser rapidement, car il y a les qualifications qui s’approchent à grands pas pour les Jeux olympiques de 2024. Je ne sais pas si Christine Sinclair va rester, mais à date, elle n’a pas annoncé sa retraite. Sophie Schmidt, quant à elle, part à la retraite. On va voir si la porte va s’ouvrir à d’autres Québécoises qui étaient dans le groupe final des joueuses juste avant la Coupe du monde, comme Bianca St-Georges. Il y a aussi Lysianne Proulx qui pourra peut-être entrer sur le terrain pour les prochaines qualifications. C’est ce que j’espère, voir plus de Québécoises comme Gabrielle Carle. On a vu les débuts d’Evelyne Viens, une joueuse que j’ai affrontée dans la Ligue professionnelle du Québec. On avait perdu contre elle 6 à 1, et j’avais rapidement appelé les gens de l’équipe nationale en demandant pourquoi cette fille-là n’était pas dans le groupe de l’équipe canadienne. La réorganisation est impérative pour le prochain tournoi.

Cette coupe du monde a-t-elle été une bonne chose pour l’essor du soccer féminin au Québec? 

Oui. Le fait d’avoir ouvert à 32 pays, cela ouvre la porte à des nations qui n’auraient jamais eu la chance de participer à la Coupe du monde. Et les gens, au niveau régional ou provincial, voient leur avenir dans le même sens. Les petits clubs du Québec peuvent se dire qu’eux aussi, ils peuvent réussir dans les plus hauts niveaux du soccer s’ils continuent à se développer et à travailler. Alors, j’espère que cela puisse se transférer aux jeunes au niveau local. S’ils ont perdu tous leurs matchs cet été, ils pourront désormais se comparer à ces nouvelles équipes de la Coupe du monde qui n’y avaient jamais eu accès et qui, cette année, ont donné toute une performance. C’est ça que j’aime voir, et c’est un bel exemple de persévérance pour les jeunes joueurs et joueuses.

C’est quoi, la différence entre le soccer à vos débuts et le soccer d’aujourd’hui, au Québec?

Aujourd’hui, au Canada, on est le troisième pays au monde à avoir le plus grand bassin de joueuses. À mes débuts, j’étais dans la seule équipe féminine de la ligue. Donc, nous jouions contre des équipes de garçons. On a perdu tous nos matchs. Je me souviens que des garçons nous disaient que l’on n’allait jamais réussir, que l’on n’allait jamais jouer au soccer parce que nous n’étions pas assez bonnes, et aujourd’hui, on voit la Coupe du monde féminine avec 32 pays, le plus de billets vendus, le plus de vues à la télévision pour des matchs féminins. Aussi, le CF Montréal vient d’intégrer un programme de l’académie féminine. Je me rappelle, au début de l’Impact de Montréal, il y avait des gens de l’organisation qui disaient qu’ils n’allaient jamais soutenir le soccer féminin. Donc, on voit qu’il y a des changements. Il faut que l’on ait une ligue canadienne de classe mondiale pour que nos joueuses soient les meilleures du monde sans devoir aller à l’étranger pour jouer au meilleur niveau.

Avez-vous pris du plaisir à suivre cette coupe du monde?

Beaucoup. J’adore cette coupe du monde. J’aime le fait que cela soit imprévisible. J’aime le fait qu’il n’y ait rien eu de déterminé avant, comme on aurait pu le voir dans les autres coupes du monde. On voit des joueuses qui n’ont jamais été mentionnées auparavant qui s’illustrent. Les gens achètent des chandails au nom de leur joueuse favorite. On voit aussi des portes s’ouvrir pour certaines joueuses étrangères qui se sont illustrées et qui pourront obtenir des bourses pour étudier aux États-Unis, par exemple. Avant de regarder un match, on ne sait pas ce qui va se passer. Il y a eu des buts de qualité, en plus. 

Cet entretien se déroule avant la finale, qui aura lieu dimanche. Donc, quel est votre pronostic entre l’Espagne et l’Angleterre?

L’Angleterre s’est vraiment bien illustrée contre les Australiennes, mais j’aime bien les qualités techniques de l’Espagne. Je pense que l’on verra de belles combinaisons de l’Espagne. Cela fera un beau duel, mais je vais donner la victoire à l’Espagne.