L’amour de la rencontre avec L’Entremetteuse
Depuis août, L’Entremetteuse a débuté ses activités pour offrir dans la région des occasions de rencontres en personne aux célibataires. Une tendance qui marquerait un retour aux traditions, au détriment des sites virtuels, pour rencontrer l’âme sœur.
Et si les sites de rencontres étaient passés de mode? La pandémie de 2020, après avoir propagé son virus, fait connaître ses effets secondaires sociétaux. Après avoir été contraints à la distanciation physique, les célibataires ont-ils perdu le goût des applications virtuelles? Souhaitent-ils revenir aux rencontres plus traditionnelles?
Pour Lysia Carrier, une résidante de Saint-Basile-le-Grand, le virtuel, il n’en est plus question. « Cela n’allait pas avec ma personnalité. Le magasinage esthétique ne m’intéressait pas. Alors j’ai décidé de partir, avec une amie, L’Entremetteuse. L’objectif du groupe est de faire se rencontrer des célibataires et d’oublier le magasinage en ligne. L’être humain est rempli de nuances et de profondeurs, et les rencontres permettent d’aller au-delà de l’image ou d’une photo statique. Je ne comprends pas le principe de slide à gauche ou à droite. »
Ce sont 50 célibataires de son entourage qui ont participé au projet le premier mois, puis le deuxième mois, 500 personnes devenaient membres. Le troisième mois, le compteur du site s’affolait avec 3000 nouveaux membres cherchant l’âme sœur.
L’Entremetteuse
Le concept est simple. En devenant membre, il est possible de participer à des soirées thématiques afin de faire des rencontres amicales, et plus si affinités, autour d’un verre, d’un repas, d’une sortie en forêt… Le critère pour y participer : être célibataire, hétérosexuel et âgé entre 30 et 65 ans. Chaque membre fait partie d’un groupe de personnes en fonction de son âge, 30-45, 40-55 ans et 50-65 ans. « Le nombre de membres s’est stabilisé à environ 3000 personnes. Il faut dire que je refuse 80 % des demandes d’inscription, car je souhaite avant tout privilégier les valeurs de l’entreprise. Je veux que les gens apprennent à connaître les gens avec leur contenu. Aucun profil n’est disponible. La clientèle cible doit chercher une relation sur du long terme. »
La mission de Lysia est d’organiser et d’animer des soirées entre célibataires et de laisser la magie opérer, ou pas. « Il n’y a aucune minuterie, que des échanges dans un contexte agréable et approprié. »
Une tendance?
Le retour de ces soirées de célibataires, qui ont eu tendance à disparaître avec l’arrivée des sites de rencontres, pourrait être la résultante d’une tendance qui s’était amorcée un peu avant la pandémie. « Ce que j’ai constaté dans mon cabinet, c’est qu’avant la pandémie, les gens avaient tendance à sortir des applications de rencontres, à fuir les faux espoirs. Plus on essaie de rencontrer des personnes sans y arriver, plus on passe de l’espoir au désespoir », d’indiquer Eugénie Larrivée, sexologue et psychothérapeute, directrice fondatrice de Sexualis, une plateforme virtuelle qui offre l’accès à des ressources sexologiques professionnelles en ligne.
« Il faut que l’on change notre culture de l’amour. » – Lysia Carrier
Belle valeur ajoutée
Mme Larrivée, à qui l’on a montré le site de L’Entremetteuse, y a vu un moyen de rencontrer « avec une belle valeur ajoutée. Le fait d’organiser des soirées par tranche d’âge, c’est une bonne chose. Cela peut être cependant intimidant pour certains; je ne sais pas s’il y a des activités brise-glace. Parfois, les sites de rencontres aident à enlever certaines barrières. Mais les hommes sont moins avantagés sur les sites de rencontres. Lors d’événements organisés, il peut y avoir un meilleur contact ». Autre avantage d’événements en direct pour Mme Larrivée, c’est qu’il est plus difficile de mettre fin à une relation avec une personne en interrompant sans avertissement ni explication toute communication. « Le ghosting sur les applications de rencontres en ligne joue beaucoup sur le moral des gens. Lors d’une dégustation de vin, c’est plus difficile à faire. D’autre part, il y a un certain essoufflement des sites de rencontres qui ont une dizaine d’années. Les gens commencent à être blasés de l’opportunité sexuelle plus qu’amoureuse. »
Une étude canadienne publiée en janvier 2022 (New Media & Society) indique que les applications de rencontres ont pris conscience de leur déclin. Sentant le vent tourner pendant la pandémie, plusieurs tentent de changer leur fusil d’épaule afin de faire un virage vers l’authenticité, l’amour et le romantisme. Les chercheurs de cette étude indiquent que les applications tentent de recréer un semblant de normalité sociale en valorisant la confiance, la monogamie et le mariage.
En manque d’hommes
Lysia Carrier est designer d’intérieur. L’Entremetteuse est devenue une passion de 20 à 30 heures de travail par semaine pour organiser les groupes et les soirées. La semaine dernière, trois événements étaient prévus, vendredi, samedi et dimanche. Dans ces trois soirées, comme dans beaucoup d’entre elles, l’homme se faisait rare. « Mon défi, c’est de recruter un maximum d’hommes, alors que chez les femmes, j’ai des listes d’attente. Les hommes me demandent beaucoup de voir les profils des personnes, mais je ne veux pas embarquer dans ça. Je suis parfois limitée dans le nombre de participants, car je souhaite une certaine parité dans les soirées entre les hommes et les femmes. Je ne veux pas faire de soirée de femmes. »
En moyenne, c’est un couple par soirée qui se forme. « Je ne peux pas vous dire s’ils perdurent, car c’est trop nouveau. »
Elle planifie des activités un peu partout au Québec, mais plusieurs d’entre elles sont organisées dans la région. « Personnellement, j’ai la crème des membres. Ils ont du contenu, des connaissances, de la culture, de l’intérêt, de belles valeurs. Ce ne sont pas des personnes qui cherchent quelque chose de futile, ces gens sont sérieux dans leur démarche. »
L’Entremetteuse semble prendre un grand plaisir dans ce qu’elle a mis en place et s’investit complètement dans la mission qu’elle s’est donnée. « Parfois, j’appelle des membres pour leur dire que je pense à quelqu’un pour eux. Ce n’est pas forcément un suivi personnalisé, mais je me suis attachée aux membres que je vois le plus souvent. Si je peux faire la différence, pourquoi pas? C’est la mission que je me suis donnée. »
Le leitmotiv de Lysia Carrier pourrait se résumer par « Il faut que l’on change notre culture de l’amour », conclut-elle.
Le site Internet de l’Entremetteuse : www.lentremetteuse.live