Expropriation d’un citoyen de Saint-Bruno à quel prix

Un propriétaire de Saint-Bruno a peur de perdre l’investissement d’une vie en étant exproprié par la Ville.

Et si le déménagement de la future garderie du parc du Frère-Marcel-Alary sur le terrain de Joël Gagné, situé près du parc Rabastalière, était remis en cause?
La solution semblait être trouvée par l’administration montarvilloise face à la grogne d’un regroupement de citoyens militant POUR la protection du parc Marcel-Alary, un terrain appartenant à la Ville proche du parc national du Mont-Saint-Bruno et qui devait accueillir un CPE.

Cependant, personne n’avait pensé à Joël Gagné, le propriétaire du terrain visé par la Municipalité pour implanter la future garderie. Le propriétaire des lieux avait mis son terrain de 27 000 pieds carrés en vente sans savoir que ce secteur du centre-ville de Saint-Bruno allait changer de zonage.

Changement de zonage
Comme son terrain était sur un lot zoné multifamilial, permettant plusieurs logements, M. Gagné a lancé l’offre à des promoteurs. Il avait cependant pris soin de solliciter l’intérêt de la Ville, dès février, à l’endroit de cet achat. Cette dernière a alors refusé l’offre.

Un promoteur, Développement immobilier Lampron, s’est quant à lui montré intéressé. « Nous avons signé une offre d’achat conditionnelle de 1,6 million de dollars à M. Gagné à la condition que la Ville accepte notre projet de construction locatif à quatre étages. Au moment où nous avons présenté une maquette à la Ville, on nous a signalé qu’il y aurait un changement de zonage. On passait du multifamilial à de l’unifamilial. Nous ne pouvions plus aller de l’avant », explique l’entrepreneur au journal.

L’offre d’achat
Après le changement de zonage, rendant impossible une vente garantie pour 1,6 M$ de son terrain, M. Gagné apprend, quelques semaines plus tard, que son terrain est choisi pour implanter une garderie et que s’il n’y a pas une entente de gré à gré entre lui et la Ville sur le prix d’achat de son terrain, il sera exproprié.

« On m’a alors proposé 550 000 $ pour 27 000 pieds carrés. Je ne peux pas accepter ça. Je ne pense plus qu’à ça depuis que je l’ai appris. Je ne parle plus que de ça. C’est ma seule conversation même avec moi-même. C’est l’investissement d’une vie. C’est un cauchemar que l’on est tous en train de vivre. J’ai l’énergie et le temps de me défendre », explique au journal M. Gagné.

« C’est un cauchemar qu’on est tous en train de vivre. » – Joël Gagné

En discussion
Finalement, le 24 mai, une rencontre a eu lieu avec le directeur-général de la Ville de Saint-Bruno, qui a demandé aux propriétaires quel était le prix plancher qu’ils souhaitaient pour leur maison. « Je souhaite 1,8 M$. Il faudra aussi ajouter tous les dédommagements dus aux frais de déménagement. Une entente avait été passée avec le promoteur pour qu’il nous laisse une année afin d’organiser le départ du site. S’il n’y a pas d’entente avec la Ville, nous nous défendrons devant les tribunaux et c’est le juge qui décidera des montants. »

En attendant, M. Gagné compte regrouper les 12 signatures nécessaires de son voisinage pour contester le changement de zonage.
Le 17 mai, déjà, M. Gagné s’était rendu à la séance du conseil municipal de la Ville pour exposer son cas. « Autour de chez moi, il n’y a que des blocs appartements. Le montant que vous m’avez proposé, ce n’est même pas la valeur de l’évaluation municipale », avait alors précisé M. Gagné, en demandant à la Ville de faire de sa situation une exception.

Interrogé sur la situation, le maire de Saint-Bruno-de-Montarville indique en premier lieu que l’expropriation n’est pas décidée pour l’instant. « Nous sommes en discussion. Mais il faut oublier le montant de 550 000 $. C’était un montant pour ouvrir les négociations. À l’époque, nous ne savions même pas qu’il y avait eu une promesse d’achat. Il y a eu ici un concours de circonstances exceptionnel. Le terrain de M. Gagné était en vente, nous devions trouver une solution pour la future garderie. Le terrain de M. Gagné était situé dans un endroit qui était zoné unifamilial depuis 55 ans, que l’ancienne administration a zoné multifamilial en 2017 au plan d’urbanisme, et à qui nous redonnons le zonage initial. Les fonctionnaires m’ont dit que c’était une erreur d’avoir changé de zonage. C’est un coup de malchance pour M. Gagné. »

Plusieurs autres terrains avaient été envisagés pour la nouvelle garderie, mais sur les cinq autres options, aucune n’était possible. « Nous n’avons plus de place à Saint-Bruno. Lorsqu’on a vu que ce terrain était en vente, on a vu là une opportunité », explique-t-il.
Le maire se dit optimiste pour la suite. « Les employés de la Ville regardent les solutions qui s’offrent à nous avant de nous rendre au tribunal administratif. »

Lors d’une séance du conseil municipal, M. Grisé-Farand avait indiqué que la décontamination, si le projet de garderie avait été construit au parc Marcel-Alary, aurait coûté plusieurs centaines de milliers de dollars. Il a précisé au journal que lors de l’estimation de ces travaux de décontamination, ce montant « était estimé à l’époque à 400 000 $ », laissant penser que si les travaux se déroulaient aujourd’hui, le coût en serait plus important.
Après la mobilisation citoyenne pour sauvegarder le parc du Frère-Marcel-Alary, plusieurs citoyens ont contacté le journal pour notifier leur volonté d’organiser une mobilisation afin d’empêcher, pour des raisons éthiques, l’expropriation de M. Gagné.