En immersion… à la Maison Kekpart
Les mardis, mercredis et vendredis, plusieurs jeunes filles et autant de jeunes garçons viennent à la Maison Kekpart se retrouver.
Les adolescents se rencontrent sans préjugés et sans obligation. Les portes sont ouvertes à tous, aussi bien pour entrer que pour sortir de la Maison Kekpart. « C’est un endroit de réconfort, pour relaxer après l’école. Ici, on nous apprend à nous conscientiser », explique Ludivine*, 17 ans. Ludivine aime plaisanter, rire, et partager sans gêne avec ses amis toutes ses réflexions du moment. Une blague par-ci, un pas de danse par-là, une partie de pool ou une petite sieste dans la chambre des filles avant un atelier de musique qu’organise un rappeur de Montréal. La même attitude pour Marc, 16 ans : « Je commençais à décrocher à l’école. Je n’y allais quasiment plus. Puis, je suis venu ici. J’ai adoré apprendre à jouer de la batterie. J’ai même monté un petit groupe métal. Après un stage, cela m’a redonné le goût de l’école », indique-t-il. Quand on lui demande ce qu’il y a de plus dur pour un adolescent, « les peines de cœur », rétorque-t-il.
Odette a 15 ans. « J’étais une fille gênée avant. La Maison Kekpart m’a permis de me redonner confiance. Ici, il n’y a pas de jugement. C’est une deuxième maison. » Ludovic, lui, a 13 ans et une très grande confiance en lui. Il reconnaît avoir un trouble de l’attention qui lui cause quelques difficultés à l’école, mais il a un objectif, « être architecte ». David a 16 ans. Il rêve d’être cinéaste. Arrivé il y a sept ans au Québec, il éprouve quelques difficultés familiales. Il n’a connu son père qu’à l’âge de 7 ans, et quand la famille s’est retrouvée, ses parents se sont séparés. « Ma seule motivation au départ pour venir à la Maison Kekpart, c’était l’atelier court-métrage qu’on nous propose ici », fait-il remarquer. Ces adolescents vivent des difficultés scolaires, ou familiales, mais ne sont pas dans des situations graves, comme me le faisait observer une des intervenantes.
Un refuge pour certains
Tout en discutant avec eux, je remarque un groupe d’adolescentes qui se tiennent un peu à l’écart. Elles attendent leur atelier de musique. « On sait qu’elles ont vécu des situations plus graves, mais nous ne les obligeons pas à nous parler. Elles viennent ici de leur propre volonté, c’est déjà beaucoup. Le temps qu’elles passent ici, elle ne le passe pas dans la rue », nous explique une employée. Il n’a pas été possible de leur parler.
Au moment de la rencontre, les jeunes préparaient « un tournage sur l’intimidation et la violence. On tente d’éviter que les jeunes soient attirés vers ces milieux. En complétant un projet, on évite qu’ils viennent se faire recruter », précise Cynthia Coursol, assistante au projet Sans Proxénète ni Éscorte (SPNIE), qui vise la prévention de l’exploitation sexuelle chez les adolescentes. Dans une ambiance bon enfant, les jeunes sont en permanence encadrés, écoutés, conseillés, s’ils le désirent, par des professionnels qui sont toujours présents : ils jouent avec les jeunes, ont des discussions, vont manger avec eux, laissent certains d’entre eux faire leurs devoirs. Même s’ils sont très discrets, ils sont là pour aider à n’importe quel moment.
Les adolescents rencontrés semblaient ne pas être des adolescents à problème, mais tous étaient au courant des dangers qui les entourent. « On connaît autour de nous des personnes qui se droguent, mais on leur dit de ne pas le faire, que ça ne sert à rien. Moi, j’ai horreur des bad boys. » – « Ma sœur a 19 ans, elle est enceinte de 5 mois, mais elle ne connaît même pas le père. » – « Une fois, en sortant de l’école, plusieurs personnes m’ont entouré sans raison. » – « Une de mes amies influençables a une dépendance affective. Elle peut tomber facilement là-dedans. Il suffisait de la complimenter pour faire son bonheur. Il faut faire attention sur les pages Purges de Facebook, on met des photos nues de personnes et tout le monde commente. C’est comme ça que commence l’intimidation. À l’école, on se doute de qui est dans un gang de rue. On le voit comment ils s’habillent, en rappeurs, ils sentent la drogue. »
* Tous les noms sont fictifs pour garder l’anonymat.
