Des poissons morts sur les rives du Richelieu

Inquiétude dans la région, des poissons ont été retrouvés morts à la mi-juin sur les rives de la rivière Richelieu, de Saint-Basile-le-Grand jusqu’au bassin de Chambly, en passant par Saint-Mathias-sur-Richelieu.

Le maire de Saint-Basile-le-Grand, Yves Lessard, a été informé du phénomène grâce aux médias. Une situation qu’il juge inquiétante. « Quand quelque chose d’anormal survient, il faut que ça remonte jusqu’au maire », dit-il en entrevue.

De son côté, la Ville de Saint-Mathias-sur-Richelieu a déclaré qu’elle prenait la situation au sérieux et s’est dite « bien au fait de la présence d’un grand nombre de poissons morts sur les rives de la rivière Richelieu ces derniers jours ».

À la suite d’une requête présentée auprès du Comité de concertation et de valorisation du bassin de la rivière Richelieu (COVABAR) et d’Urgence-Environnement, le 18 juin dernier, notons qu’une enquête d’Urgence-Environnement est en cours, sollicitant la collaboration des municipalités et des citoyens pour faire avancer le dossier.

D’ailleurs, Urgence-Environnement a répondu au journal Les Versants pour clarifier la situation. « Plusieurs individus de carpes ont été retrouvés morts le long du chemin Richelieu jusqu’à Saint-Basile, près du parc des Voiles de Saint-Mathias-sur-Richelieu et au niveau du bassin de Chambly. Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) a été avisé de la situation et s’est déplacé sur les lieux. Selon eux, la cause de mortalité des carpes serait d’origine naturelle. Les carpes viendraient de la rivière Acadie, qui est tributaire de la rivière Richelieu. Le décès [des carpes] serait causé par la période actuelle de fraie, le manque d’oxygène dans l’eau, les températures élevées et le bas niveau d’eau », répond la porte-parole régionale du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCCC), Sophie Gauthier.

L’intervenant d’Urgence-Environnement doit faire un suivi de la situation avec le MFFP. « Urgence-Environnement s’assure que les mesures nécessaires à la sécurité de la population et à la protection de l’environnement soient mises en place », d’ajouter Sophie Gauthier.

Le MFFP a aussi répondu au journal. « On nous mentionne qu’aucune mortalité massive de poissons n’a été rapportée au MFFP dans le Richelieu à cette période, bien que quelques spécimens morts aient été observés comme des chevaliers blancs et des carpes. Il faut savoir qu’il est fréquent que de faibles mortalités arrivent en été. Cet événement demeure de faible envergure et les équipes d’Urgence-Environnement et du MFFP ne se sont pas déplacées. Pour cet événement, il pourrait s’agir d’une mortalité un peu plus importante qu’à la normale survenue après la fraie dû à la température élevée des dernières semaines, mais précisons qu’il ne s’agit que d’une hypothèse », note la porte-parole du MFFP, Mila Roy.

Des causes naturelles

Rappelons que depuis 2016, la présence de poissons morts est recensée à Chambly, mais qu’à l’époque, on évoquait les déversements d’eaux usées effectués par la Ville et les fortes précipitations qui avaient fait déborder les égouts pluviaux, faisant ainsi remonter des déchets à la surface et, par la même occasion, des poissons morts.

« Pour les poissons de fond, comme la carpe, le manque d’oxygène dans l’eau est nuisible. C’est l’hypothèse la plus plausible. » – Sylvain Laointe

Bien qu’il arrive que la mortalité de poissons soit une conséquence du déversement de déchets qui se retrouvent dans l’eau, la Municipalité de Saint-Mathias-sur-Richelieu fait valoir que, selon les informations qu’elle a obtenues des experts, « pour le moment, tout indique que les causes sont naturelles (eau très basse, canicules récentes et période de fraie) ».

Pour sa part, le maire Lessard demande des expertises plus poussées. Ce dernier est d’autant plus étonné du phénomène que des tortues auraient subi le même sort sur les berges de la rivière Saint-Charles. « Le ministère de l’Environnement aurait rapporté que le niveau de la rivière est assez bas. Je ne sais pas si c’est le cas, mais j’aimerais qu’il y ait des expertises plus poussées. Il faut investiguer un peu plus que juste avancer des suppositions et des hypothèses », évoque Yves Lessard.

Interrogé par le journal, le directeur général du COVABAR, Sylvain Lapointe, a écarté d’emblée la cause du déversement, « parce que dans ce genre de cas, plus d’une espèce auraient été touchées ». Plusieurs carpes ont été vues le long des berges du Richelieu, au niveau du bassin de Chambly jusqu’à Saint-Basile, en passant par Saint-Mathias-sur-Richelieu. Ainsi, M. Lapointe met plutôt en cause « mère Nature, qui fait son œuvre ».

Il précise : « Le niveau de l’eau, plus bas que la normale, et les récentes chaleurs font en sorte que l’oxygène dans l’eau se fait plus rare. Pour les poissons de fond, comme la carpe, le manque d’oxygène dans l’eau est nuisible. C’est l’hypothèse la plus plausible. »

Quant aux poissons retrouvés et observés, ce sont des chevaliers blancs, des chevaliers jaunes et des carpes communes, soit des poissons de fond, d’après les dires de Sylvain Lapointe.

Le représentant du COVABAR rappelle qu’il y a eu peu de neige cet hiver et aucune menace d’inondation le long du Richelieu.

Baisse du niveau de l’eau

Selon des données fournies par le COVABAR, force est de constater que le niveau moyen de ce cours d’eau est plus bas qu’à l’habitude. Le 22 juin 2019, le niveau moyen de la rivière était à 29,83 mètres. Un an plus tard à pareille date, la mesure indiquait 28,96 mètres, puis 28,91 mètres le 22 juin dernier. « Presque 1 mètre de différence avec la moyenne de 2019 et un peu moins avec les années précédentes, mais une tendance à la baisse », insiste Sylvain Lapointe.

Le COVABAR précise qu’il n’a aucune réponse quant au pourquoi de ces décès mais répète que tous les poissons concernés sont des poissons de fond. Or, les couches d’eau au fond sont les moins oxygénées. En raison de leur profondeur, la photosynthèse s’y réalise moins et la dégradation microbienne de la matière organique consomme de l’oxygène. Le réchauffement de l’eau réduit aussi la saturation en oxygène. « Il est possible que certaines zones, privilégiées par les espèces de fond, comme les carpes et les chevaliers, se retrouvent en hypoxie (carence en oxygène) ou en anoxie (absence d’oxygène). Ces conditions pourraient augmenter la mortalité des espèces associées à cette niche. Nous ne prétendons pas fournir de réponse… C’est juste un début de réflexion dans la mesure de ce que nous pouvons comprendre avec les informations dont nous disposons pour le moment. C’est peut-être ça, peut-être complètement autre chose, peut-être un mélange de plusieurs facteurs… »

Les autorités en la matière demeurent le MELCCC et le MFFP.

Texte écrit en collaboration avec Chloé-Anne Touma.