Au cœur de la CÉTAM

En immersion …

Fin décembre, la Coopérative des techniciens ambulanciers de la Montérégie (CÉTAM) officialisait l’achat d’un terrain dans l’écoparc de Saint-Bruno-de-Montarville. Les travaux du nouveau siège social de la coopérative, actuellement à Greenfield Park, devraient commencer au printemps. La CÉTAM a accepté sans difficulté qu’un journaliste vive au cœur de l’organisation les réalités de son quotidien, qu’elle partagera bientôt avec les Montarvillois.

Alexandre Gervais a vécu sa première expérience d’ambulancier avec la CÉTAM à 19 ans. Aujourd’hui, à 25 ans, il est relationniste et toujours ambulancier sur le terrain, car dans la coopérative, tout le monde met la main à la pâte en temps que membre et employé. « Tous les bénéfices de l’entreprise sont réinvestis dans la société, à la différence d’une compagnie privée. » Alexandre est encore à temps partiel, mais avec son ancienneté, il peut désormais connaître ses horaires deux semaines à l’avance. « Au bout de cinq ans, on commence à avoir sa place. Il y a eu un temps où il y avait trop d’heures de travail, aujourd’hui il en manque. »

Maxime Bégin a intégré la CÉTAM il y a sept ans. Ce temps plein de 34 ans a toujours la passion de son travail chevillée au corps. Heureux papa de deux enfants de 5 et 20 mois, il a su marier la vie de famille à celle d’un travail exigeant, comme plusieurs de ses collègues l’ont fait. À 9 h, le 15 décembre 2015, le signal était donné pour une journée de travail à bord de l’ambulance 6538.

Départ en trombe

À 8 h 40, les deux paramédicaux contrôlent tout le matériel de l’ambulance. Sac d’urgence, trousse de traumatisme, vérification du défibrillateur, médicaments, bouteille d’oxygène… Tout est vérifié. Le centre névralgique de la CÉTAM, situé à Greenfield Park, ressemble à une fourmilière où 361 employés, 8 véhicules de service et 46 ambulances tentent de cohabiter dans un environnement qui devient de plus en plus petit. « C’est pourquoi nous cherchions un autre endroit pour nous installer. Il commence à devenir difficile de manœuvrer avec nos gros véhicules. »

À 9 h, pas le temps d’attendre. Depuis minuit, 91 appels aux ambulanciers de la Montérégie avaient été effectués. À l’heure du pointage, l’équipe avec qui j’embarquais en recevait un 92e. « En moyenne ce sont entre trois à six interventions par quart de travail. Nous fonctionnons toujours en équipe de 2 pour une période de 12 h », mais pas le temps qu’Alexandre ne s’étende trop sur les premières réalités d’un métier exigeant en termes d’horaire, car il faut répondre à un code de priorité 3 (0 étant un arrêt cardiaque et 8 un simple retour à domicile en ambulance.)

Les interventions

La centrale explique brièvement qu’une dame dans un centre de personnes âgées se plaint de maux de ventre depuis plusieurs jours, l’empêchant de s’alimenter normalement et de se mouvoir. En arrivant sur les lieux, le calme des deux hommes montre l’habitude qu’ils ont de ce genre de situation. « De temps en temps, ce sont de fausses alertes. Une dame a une fois appelé en disant que son bébé était mort. Il s’agissait en fait d’un bébé chat. Nous prenons cependant tous les appels au sérieux, une garantie pour ne pas se tromper », explique Maxime.

Finalement, la dame est amenée à l’hôpital sans trop d’inquiétude. Une fois sur les lieux, les deux hommes saluent les agents de sécurité et le personnel médical qu’ils ont l’habitude de côtoyer. « Aucun hôpital n’a son ambulance, ce ne sont que des entreprises privées à l’aide de fonds publics qui rendent ce service », précise Maxime. D’ailleurs, dans les hôpitaux Charles-LeMoyne, Pierre-Boucher ou Honoré-Mercier, desservis par les paramédicaux, ces derniers n’hésitent pas à en faire plus qu’on ne leur en demande. Ainsi, ils n’hésitent pas à passer du désinfectant avant  d’installer leur client dans un endroit à l’hôpital ou encore tirer un morceau de papier sur une table d’auscultation avant de devoir repartir au travail. Avant de reprendre la route, c’est au véhicule d’être à son tour désinfecté.

À 13 h 10, 3 clients avaient été transportés par l’ambulance 6538, alors que les appels d’urgence avaient déjà nécessité 204 interventions en Montérégie. « C’est une journée assez habituelle. Sans événements majeurs. Par journée de neige ou de verglas, il y a plus d’appels. J’ai déjà fait neuf interventions dans une journée. Là, j’étais épuisé », relativise Maxime. Sur trois interventions, les paramédicaux ont utilisé deux fois les gyrophares. « Les villes n’aiment pas trop nous voir arriver avec nos sirènes. On fait tout pour ne les allumer qu’aux cas d’urgence. »

Vieillissement de la population

« Depuis sept ans, j’ai vu une augmentation des appels, sûrement le mélange de plusieurs facteurs, mais dont fait partie le vieillissement de la population. » Une autre des constatations de l’ambulancier, c’est qu’il est amené à intervenir de plus en plus auprès de personnes dans la précarité. «  L’aide psychologique est énorme dans notre travail. Beaucoup de personnes nous appelant sont d’un milieu défavorisé. Une personne par jour en moyenne est un cas psychiatrique. » Durant la période passée avec les ambulanciers, toutes les personnes qui ont eu besoin d’assistance étaient âgées.

Modernité de la fonction

Les ambulances d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec celles d’hier. Même s’il y a encore place à amélioration, par rapport à la formation des ambulanciers entre autres, le matériel utilisé a beaucoup évolué pour leur faciliter la vie. « En Ontario, il existe trois niveaux de formation : primaire, avancé et critique. Il y a un projet-pilote à Montréal pour créer un deuxième niveau au Québec », indique Alexandre. Les deux paramédicaux s’étonnent cependant des conditions dans lesquels travaillaient leurs collègues il y a quelques années. « La première convention collective au Québec pour les paramédicaux, c’est 1989. En 2000, ils ont pu utiliser un défibrillateur et ce n’est qu’en 2005 qu’on a pu donner des médicaments d’urgence. Ça a sauvé beaucoup de vies. Nous pouvons faire maintenant des électrocardiogrammes sur place qui sont envoyés automatiquement aux hôpitaux. »

Les « anciens » devaient également transporter des personnes lourdes sans civière électrique, sans chaise adaptée pour monter les escaliers. « Le poids moyen canadien est de 200 livres », rappelle Alexandre. « Avec les anciens équipements, on était ambulancier 10 ans pour une femme et 15 ans pour un homme. Aujourd’hui, la carrière peut se poursuivre jusqu’à la retraite », ajoute Maxime.

Bons et mauvais souvenirs

Une carrière plus longue fait que les expériences se multiplient avec son lot de souvenirs, aussi bons que mauvais. « Ce métier ne peut pas être apprécié si ce n’est pas une vocation. On peut tout y voir et on n’aura jamais tout vu », avancent les deux ambulanciers. Alexandre affiche une épinglette désignant une cigogne au revers de son veston. « Sûrement mon plus beau souvenir. » L’animal indique qu’il a aidé à un accouchement. En sortant d’un hôpital, après une intervention cette journée-là, des jumeaux arrivaient dans une couveuse. L’ambulancier nous a brièvement expliqué qu’il avait assisté à la naissance de triplets et que la maman avait été amenée à Sainte-Justine pour mettre au monde le troisième.

L’autre grande satisfaction qu’
a un ambulancier, c’est de sauver une personne victime d’un arrêt cardiaque. C’est alors une épinglette en forme de cœur blanc qu’il peut accrocher à sa tenue. Pour Maxime, le pire des appels, « c’est celui qui t’affecte jusqu’au retour à la maison. » « On a beau faire des stages, tout seul dans la jungle, on est nerveux, on ne veut rien manquer. La réalité est tellement différente de l’enseignement. Il faut toujours s’adapter à beaucoup de critères à chaque appel », explique Alexandre

En une seule journée, aucune situation n’a été similaire et toutes ont nécessité de s’adapter, peut-être le maître mot de cette profession.