La pire des ignorances

Socrate a eu un jour une discussion avec un jeune Athénien du nom d’Alcibiade. Ce dernier, souhaitant devenir politicien, réalise avec Socrate qu’il ne sait rien de la justice, élément pourtant nécessaire à la bonne conduite de la Cité. Pour Socrate, il n’est pas différent des politiciens de son époque qui, comme lui, s’imaginent savoir ce qu’ils ne savent pas. La leçon que nous sert Socrate est importante: il y a pire que d’être ignorant. Il suffit, dit Socrate à Alcibiade, de croire que l’on sait ce qu’on ignore. Socrate, lui, sait qu’il ne sait pas, il atteint ainsi un degré de connaissance plus élevé que la majorité des humains qui sont ignorants, mais qui pensent ne pas l’être.

L’ignorance et l’éducation

Socrate nous dirait aussi que l’ignorance de celui qui a la responsabilité d’orienter les politiques publiques en matière d’éducation est dangereuse, car dans ce cas précis, on agit sur l’âme des enfants et des jeunes adultes, éléments bien plus précieux que le corps ou les choses matérielles. Force est d’admettre que les 8 derniers mois au Québec auraient permis à Socrate de réaliser, 2400 ans après sa mort, que le problème de l’ignorance en politique est toujours d’actualité.

L’éducation est de loin l’élément le plus important pour une société et négliger celle-ci, tant sur le plan des valeurs que du financement, est une erreur qui peut être lourde de conséquences. Ce qui est troublant, c’est de réaliser à quel point le ministre Bolduc a une terrible méconnaissance du milieu de l’éducation. La liste des bévues est longue et la plus récente illustre parfaitement l’improvisation causée par cette méconnaissance. Je parle bien entendu du projet, heureusement annulé, de redécoupage du territoire de la commission scolaire.

Austérité et coupes en éducation

L’austérité frappe le Québec et personne n’est épargné. On dirait même que l’aveuglement idéologique est tel qu’il empêche nos élus de voir les dommages qu’ils sont en train de causer aux plus fragiles de notre société. Nos enfants et notre jeunesse n’ont pas à subir cet aveuglement.

L’enjeu fondamental pour notre société ne devrait pas être l’obsession budgétaire; l’enjeu fondamental devrait être celui de la justice sociale, de l’augmentation des inégalités et la lutte aux iniquités fiscales. L’enjeu fondamental, c’est aussi le droit à l’éducation, que nous devons tous défendre et chérir. Car couper dans l’éducation, c’est nécessairement limiter les horizons de plusieurs de nos concitoyens; couper dans l’éducation, c’est aussi appauvrir la société et limiter notre capacité à réfléchir et penser ensemble une société juste et équitable.

Nous sommes de plus en plus nombreux à croire que la pire des ignorances, qui mène parfois à la pire des arrogances, est le mal qui afflige notre gouvernement.

 

Vincent Fortier

Professeur de philosophie