Les inégalités et la juste part

Un des fléaux de notre époque qui contribue à réduire considérablement les aspirations de centaines de millions d’êtres humains est sans contredit l’augmentation fulgurante des inégalités économiques. Traditionnellement décriées par la gauche, elles sont maintenant dénoncées par des acteurs qui logent de l’autre côté de l’échiquier politique. En effet, que ce soit la patronne du FMI, Christine Lagarde, l’ancien patron de la Banque mondiale, Joseph Stiglitz, l’OCDE ou le Forum économique de Davos, tous ont exprimé des inquiétudes face à l’augmentation de la concentration de la richesse.

Le récent succès de l’ouvrage Le capital au XXIe siècle, de l’économiste français Thomas Piketty, n’est pas étranger à ces préoccupations. Piketty nous présente certains constats intéressants. Entre autres, il nous sert un avertissement quant à l’augmentation actuelle des inégalités, qui sont à des sommets historiques. Pour l’économiste, plus elles sont grandes, plus elles contribuent à en créer davantage, tout en nuisant à la croissance économique.

Aujourd’hui, le patrimoine des 85 personnes les plus riches de la planète équivaut à celui des 3,5 milliards d’humains les moins bien nantis. Au Canada, 86 personnes ont accumulé autant de richesse que celle détenue par les 11,4 millions de Canadiens les plus pauvres. Même au Québec, où les mesures sociales contribuent largement à diminuer les inégalités, celles-ci ne cessent de croître depuis les années 90. En effet, si 1 % de la population accaparait il y a 30 ans 7 % de l’ensemble des revenus, ce même 1 % accapare aujourd’hui l’équivalent de 12 % des revenus. Aux États-Unis, le même 1 % obtient 24 % de l’ensemble des revenus.

Deux mythes doivent être farouchement combattus. Tout d’abord, il semble clair que la théorie du « trickle down », qui soutient que les allégements fiscaux consentis aux plus nantis profitent à l’ensemble de la société, ne tient plus la route. D’autre part, malgré ce qu’en pensent certaines personnes, les inégalités n’ont rien de naturel et d’inévitable. Elles sont plutôt largement le fruit de politiques fiscales bénéficiant essentiellement aux plus fortunés.

Retenons que ce problème n’est pas strictement économique, il est surtout politique et met même en péril l’avenir de nos démocraties en les exposant trop au pouvoir de l’argent. Il est donc fondamental, et particulièrement dans le contexte actuel d’austérité budgétaire, de repenser la fiscalité afin d’assurer que notre organisation sociale soit juste et efficace. Il est temps que tous fassent leur juste part.

Suggestions de lecture :

La juste part, David Robichaud et Patrick Turmel

Le capital au XXIe siècle, Thomas Piketty