Mythes et mensonges sur la hausse

Je déplore que le débat sur la grève étudiante soit continuellement faussé par nombres de mythes et mensonges véhiculés, volontairement ou non, par nombres de gens. Quelques exemples :

1) Les universités sont sous-financées. Fait : les universités québécoises ont (toutes sources de revenus confondues) en moyenne 29 242 $ par étudiant alors que les ontariennes ont 26 383 $ par étudiant (moyenne canadienne : 28 735 $). Autrement dit, les recteurs québécois ont près de 3 000 $ de plus par étudiant que leurs homologues ontariens. Tirez votre conclusion.

2) Les étudiants font la grève pour obtenir la gratuité scolaire. Fait : La FEUQ, la FECQ et la TACEQ n’ont jamais parlé de gratuité. Quant à la CLASSE, elle a clarifié sa position il y a plus de trois mois : la gratuité est un objectif de débat à long terme (comme d’autres sujets, par exemple la recherche), mais pas l’objet de la grève. Celle-ci ne porte que sur la hausse des frais de scolarité.

3) Les frais de scolarité n’ont pas monté depuis 30 (ou 40) ans. Fait : Lyne Beauchamp n’a cessé de le répéter : « Les frais de scolarité n’ont pas augmenté pendant 33 des 42 dernières années. » Elle aurait pu aussi dire qu’ils ont monté 9 fois en 42 ans, mais cela n’aurait pas laissé la même impression. De fait, ils ont subi une hausse importante à la fin des années 80 (« réforme Ryan »). Depuis 2007, ils ont augmenté à chaque année pour une hausse totale supplémentaire de 30 %. Il y a 25 ans, les frais de scolarité étaient au maximum de 540 $ (270 $ par session), ils sont maintenant de 2 170 $. Ils ont donc quadruplé en 25 ans (en comparaison, le prix des maisons a triplé et les salaires ont doublé). Et à cela, il faut ajouter les frais afférents (apparus il y a environ 25 ans). Au total, les frais de scolarité ont presque sextuplé depuis 25 ans!

4) Il est « extrêmement douteux » qu’on puisse faire des économies dans la gestion des universités. C’est l’affirmation qui a été martelée par Lyne Beauchamp (alors ministre de l’Éducation) à partir du 5 mai. Et l’une des raisons du rejet de « l’offre » du gouvernement par les associations étudiantes, parce que cela montrait que le gouvernement Charest prenait fait et cause pour les recteurs et ne ferait rien pour que leur gestion soit sérieusement examinée. Bien sûr, cette affirmation ne tient pas debout. Comme si la gestion des universités était parfaite, malgré la longue liste de scandales qui les secouent depuis des années. Ex : Ilot Voyageur, 1420 Mont-Royal, affaire TELUQ, gigantesques augmentations de salaire, pension, primes et bonus en tous genres que se votent les recteurs et les cadres, voyages à l’étranger, condo de luxe (1 million de dollars) du recteur de Concordia payé par l’université tout en lui versant une allocation de 3 000 $ par mois pour qu’il continue d’y vivre, et j’en passe!

5) La hausse des frais de scolarité est nécessaire pour assurer une meilleure éducation. Fait : entre 2000 et 2008, le personnel enseignant de l’Université de Montréal est passé de 26 à 22 % du personnel total des universités, tandis que le personnel de gestion est passé de 10 à 15 %. À l’UQAM, pour la période de 2000 à 2006, la masse salariale des professeurs n’a augmenté que de 19 % alors que celle du personnel de gestion a connu une hausse de 30 % et celle des cadres supérieurs, de 40 %. De manière générale, dans les cinq dernières années, la masse salariale pour la gestion à l’UQAM a augmenté de 16,2 %, de 28,1 % à l’Université de Montréal, de 36,9 % à Laval, de 37,1 % à Sherbrooke, de 38,2 % à McGill et de 180 % à Concordia. On connaît ça au Québec, couper dans les services de première ligne pour faire croître la bureaucratie!

Il y a encore bien d’autres mythes et mensonges véhiculés, mais je pense que faire cette mise au point au moins sur ceux-ci s’imposait. Il est impossible d’avoir un débat de fond sérieux quand les opinions et les arguments se basent sur des faussetés. En espérant avoir contribué un peu à éclairer les choses.

Pierre Lagassé,

Saint-Basile-le-Grand