Du radiocrystal à la revue Science

Jean-Pierre Raynauld

« Le plus grand plaisir d’être un scientifique, c’est de devenir le premier à découvrir l’inconnu. C’est ce qui est le plus stimulant », mentionne en entrevue avec Les Versants le Montarvillois Jean-Pierre Raynauld. 

Retraité depuis deux ans, Jean-Pierre Raynauld a passé les quelque 40 dernières années, de 1969 à 2012 pour être plus précis, dans le département de physiologie de la faculté de médecine de l’Université de Montréal en tant que chercheur et enseignant. Un poste qu’il a obtenu après avoir décroché un doctorat en biophysique à Baltimore, chez nos voisins du Sud.

Il demeure à Saint-Bruno-de-Montarville depuis 1982, soit un an après avoir pris une année sabbatique en famille à Los Angeles.  

Jean-Pierre Raynauld est chercheur, et en tant que scientifique, on lui doit notamment des avancées sur l’activité neuronale des cellules de la rétine ainsi que sur la plasticité neuronale. Deux études ont d’ailleurs été publiées dans la revue Science, respectivement en 1972 (sa thèse de doctorat) et 1979, et reconnues dans le domaine en étant citées au total 156 fois. D’ailleurs, la publication de ces deux articles demeure une grande fierté pour lui. « Dire qu’au primaire, on avait jugé que je n’étais pas assez intelligent pour faire mon cours classique parce que je n’étais pas conforme aux normes dans les tests d’intérêts. Finalement, je suis quand même allé au Séminaire de Joliette, et j’ai pris sept ans, au lieu de la durée générale des huit années, pour le réussir », se remémore monsieur Raynauld.

Né à Saint-Gérard-Majella, entre Joliette et L’Assomption, Jean-Pierre Raynauld ne peut pas expliquer d’où lui vient cet intérêt pour les sciences. Par contre, il se souvient qu’avant son adolescence, une tante lui avait remis un récepteur à cristal pour le Nouvel An. « Un radiocrystal, c’était à la mode dans les années 50. Il s’agissait d’un poste à galène dont l’antenne nous permettait de capter des stations assez puissantes, comme Radio-Canada. Au point de vue scientifique, ç’a été un début pour moi. Mais il y une caractéristique qu’on rencontre aussi chez plusieurs scientifiques, et c’est l’intérêt pour les mécanismes d’horlogerie, qui se retrouvent dans les cadrans et les montres. Ça me fascinait aussi quand j’étais jeune », souligne le Montarvillois de 78 ans, qui se dit amateur de mécanique, de lecture et d’aviation.

Adolescent, et grâce à son père, il est engagé dans une boutique de réparation d’appareils électroniques, où il se spécialise sur les télévisions et les radios. Au même moment, Jean-Pierre Raynauld décide de se payer un cours par correspondance à Washington auprès de la National Radio Institute. « J’avais alors 15 ou 16 ans, et c’était quelques années avant mon entrée à l’université. »

Sur une période de cinq ans, il décroche un baccalauréat en physique et une maîtrise en physique nucléaire. « Ici, mon choix était ciblé vers l’instrumentation, en conséquence de mon cours par correspondance », de poursuivre le septuagénaire, père de trois filles et grand-papa de cinq petits-enfants. « Je tente de les intéresser aux sciences », dira-t-il plus tard en entrevue.   

À la suite de sa maîtrise, il est d’abord invité à travailler en neurophysiologie avec le Dr Jean-Pierre Cordeau, fondateur du premier groupe du Conseil de recherches médicales en sciences neurologiques et du Centre de recherche en sciences neurologiques de l’Université de Montréal. Son expérience avec le Dr Cordeau l’amène à être recommandé à Denise Albe-Fessard, une neurologue française; une invitation qui lui permet de passer l’été 1964 à Paris en tant que consultant en instrumentation dans les laboratoires de la neurologue. « C’était assez valorisant pour un Québécois d’aller là-bas à l’époque. Nous faisions des travaux sur le fonctionnement du système visuel et moteur chez les chats et les singes », explique Jean-Pierre Raynauld, dont la vie le mène ensuite, de 1964 à 1969, à l’Université John-Hopkins de Baltimore, au Maryland, afin d’obtenir son doctorat en biophysique. Il décide alors de se pencher sur l’« enregistrement de l’activité neuronale des cellules de la rétine ». Ce à quoi il consacrera sa thèse.

Pendant ses années d’études, il se marie en 1967 à une dénommée Claire Duval, qui deviendra plus tard journaliste collaboratrice pour Les Versants. Ils s’étaient d’abord connus en 1965. « J’ai rencontré Claire alors qu’elle était la secrétaire du Dr Cordeau. Quand j’ai été engagé par l’UdeM comme consultant pour l’achat d’un ordinateur d’acquisition de données, j’ai reçu 100 $ en frais de consultation. J’avais décidé d’inviter une fille à souper et c’est avec Claire que j’y suis allé. »   

Après l’obtention de son doctorat, il revient au Québec avec sa femme et leur première fille, Françoise, née à Baltimore, et il devient professeur à l’Université de Montréal. Leurs deux autres filles, Catherine et Geneviève, naîtront à Montréal.

Ses travaux et recherches lui permettent de voyager à travers le monde pour assister à des congrès, notamment au Brésil, aux États-Unis, en Sicile, Grèce, Angleterre, France, Suisse, Allemagne. Il sera aussi invité à travailler pendant trois mois au Vénézuéla. « La meilleure invitation reste celle des universités suisses, en 1985. J’étais le deuxième conférencier après un récipiendaire de prix Nobel. Lors du banquet, nous étions assis à la table des recteurs des universités, et Claire faisait la conversation avec un ministre de l’Éducation de la Suisse! » note monsieur Raynauld. 

En plus d’enseigner, le chercheur planche aussi sur des modèles mathématiques. « En tant que scientifique, il faut toujours se tenir à jour des derniers développements dans le domaine. Lors de mon séjour à l’UdeM, j’ai essayé de valoriser la connaissance, de générer l’enthousiasme pour la recherche scientifique. Je crois beaucoup à l’importance de l’histoire des sciences. Mon conseil pour les jeunes scientifiques? D’abord, il faut être curieux, et être capable de rejeter ce qui est établi. Ensuite, persévérer! »